Saint Thomas : Critique
d’Averroès
-Article 4-
Nous avons consacré nos quatre premiers articles au
chapitre I du livre « Contre Averroès » de Saint Thomas. La thèse
défendue par son auteur est que « L’intellect possible est une partie de
l’âme, qui est forme du corps. » Le deuxième chapitre s’insère dans la
même logique, mais cette fois-ci Saint Thomas va user d’arguments d’autorité.
Il s’agit pour lui d’exposer la conception de certains philosophes Grecs et Musulmans,
afin de fortifier son propre point de vue concernant la nature de l’intellect.
Qui sont, donc, ces philosophes ? Et quelle est leur avis sur ce sujet ?
Le premier est Themistius. Il soutient l’idée selon laquelle c’est l’intellect en
acte, qui fait passer l’intellect
possible à l’acte. Et en ajoutant l’un à l’autre ils deviennent un. Le
« moi », lui, est composé de puissance et d’acte. En revanche, l’être
qui appartient à ce « moi » n’est constitué que par ce qui est en
acte. Ainsi, le « moi » diffère de « l’être qui lui
appartient ». Cet être vient de l’âme, non pas de l’âme en sa totalité (sensitive,
imaginative et intellective), mais seulement de l’intellect en acte.
En outre, et conformément à Aristote, chaque âme est censée
contenir un intellect capable de tout devenir et un autre capable de tout
produire. Et c’est ainsi que l’être humain est un intellect actif, conclut
Themistius.
Théophraste, dont les thèses ont été rapportées
par Themistius, et que Saint Thomas avoue ne jamais avoir lu, croit que la
nature de l’intellect en puissance est de ne pas être en acte. C’est comme
l’œil : avant de voir il est potentiellement capable de percevoir les
objets sensibles. La même situation s’applique à l’intellect quand il se trouve
face aux intelligibles. L’intellect possible est également connaturel à l’homme
dès sa naissance et non pas quelque chose qui serait accidentel.
Le dernier de ces philosophes Grecs est Alexandre,
qui a été faussement interprété, selon Saint Thomas, par Averroès surtout au
sujet de la nature de l’intellect possible. Ce dernier, n’est en réalité qu’une
préparation dans la nature humaine vis-à-vis de l’intellect agent et des
intelligibles. Il est la puissance intellective présente dans l’âme. Mais,
c’est une puissance sans relation aucune avec le corps, vu qu’elle n’en
requiert pas pour effectuer ses diverses opérations.
Les philosophes Musulmans qu’évoque Saint Thomas dans le
but de défendre sa thèse mentionnée ci-dessus sont Avicenne et Algazel.
Le premier voit dans l’intellect une faculté de l’âme, qui est une forme du corps.
Il distingue, alors, deux genres d’intellects : un, actif, qui a besoin du
corps comme instrument afin d’accomplir ses actions, et un autre contemplatif,
qui se suffit à lui-même par lui-même, et c’est pourquoi il n’en a pas besoin
continuellement. Tous les deux sont des facultés que l’âme possède. Cependant
l’âme est de son pouvoir d’agir par l’intermédiaire d’instruments, comme elle peut ne pas s’en
servir.
Par sa faculté
intellective, l’âme humaine « Ne
se rapporte pas à un corps comme une forme et n’a pas besoin d’un organe
préparé pour elle »(1), dit Avicenne.
Algazel soutient, lui aussi, la même thèse selon
laquelle l’âme est « la plus belle forme » que peut recevoir le
mélange des éléments, c'est-à-dire le corps. Néanmoins, les opérations de
l’intellect (ou la puissance théorétique, en tant que faculté de l’âme) sont
indépendantes des organes corporels.
En conclusion, étant donné l’interprétation d’Aristote
faite par Themistius, Saint Thomas considère que l’intellect agent est une
partie de l’âme humaine pas seulement l’intellect possible, et que c’est cet
intellect agent qui définit l’homme en tant qu’homme.
Kamal Elgotti
Khénifra le
03-06-2016
Thomas d’Aquin :
Contre Averroès, Editions Flammarion, Paris, 1994 ; p- 133
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