dimanche 23 octobre 2016



Saint Thomas : Critique d’Averroès
-Article 4-

Nous avons consacré nos quatre premiers articles au chapitre I du livre « Contre Averroès » de Saint Thomas. La thèse défendue par son auteur est que « L’intellect possible est une partie de l’âme, qui est forme du corps. » Le deuxième chapitre s’insère dans la même logique, mais cette fois-ci Saint Thomas va user d’arguments d’autorité. Il s’agit pour lui d’exposer la conception de certains philosophes Grecs et Musulmans, afin de fortifier son propre point de vue concernant la nature de l’intellect. Qui sont, donc, ces philosophes ? Et quelle est leur avis  sur ce sujet ?
Le premier est Themistius. Il soutient  l’idée selon laquelle c’est l’intellect en acte, qui fait passer l’intellect  possible à l’acte. Et en ajoutant l’un à l’autre ils deviennent un. Le « moi », lui, est composé de puissance et d’acte. En revanche, l’être qui appartient à ce « moi » n’est constitué que par ce qui est en acte. Ainsi, le « moi » diffère de «  l’être qui lui appartient ». Cet être vient de l’âme, non pas de l’âme en sa totalité (sensitive, imaginative et intellective), mais seulement de l’intellect en acte.   
En outre, et conformément à Aristote, chaque âme est censée contenir un intellect capable de tout devenir et un autre capable de tout produire. Et c’est ainsi que l’être humain est un intellect actif, conclut Themistius. 
Théophraste, dont les thèses ont été rapportées par Themistius, et que Saint Thomas avoue ne jamais avoir lu, croit que la nature de l’intellect en puissance est de ne pas être en acte. C’est comme l’œil : avant de voir il est potentiellement capable de percevoir les objets sensibles. La même situation s’applique à l’intellect quand il se trouve face aux intelligibles. L’intellect possible est également connaturel à l’homme dès sa naissance et non pas quelque chose qui serait accidentel.
Le dernier de ces philosophes Grecs est Alexandre, qui a été faussement interprété, selon Saint Thomas, par Averroès surtout au sujet de la nature de l’intellect possible. Ce dernier, n’est en réalité qu’une préparation dans la nature humaine vis-à-vis de l’intellect agent et des intelligibles. Il est la puissance intellective présente dans l’âme. Mais, c’est une puissance sans relation aucune avec le corps, vu qu’elle n’en requiert pas pour effectuer ses diverses opérations. 
Les philosophes Musulmans qu’évoque Saint Thomas dans le but de défendre sa thèse mentionnée ci-dessus sont Avicenne et Algazel. Le premier voit dans l’intellect une faculté de l’âme, qui est une forme du corps. Il distingue, alors, deux genres d’intellects : un, actif, qui a besoin du corps comme instrument afin d’accomplir ses actions, et un autre contemplatif, qui se suffit à lui-même par lui-même, et c’est pourquoi il n’en a pas besoin continuellement. Tous les deux sont des facultés que l’âme possède. Cependant l’âme est de son pouvoir d’agir par l’intermédiaire  d’instruments, comme elle peut ne pas s’en servir.
 Par sa faculté intellective, l’âme humaine  «  Ne se rapporte pas à un corps comme une forme et n’a pas besoin d’un organe préparé pour elle »(1), dit Avicenne.
Algazel soutient, lui aussi, la même thèse selon laquelle l’âme est « la plus belle forme » que peut recevoir le mélange des éléments, c'est-à-dire le corps. Néanmoins, les opérations de l’intellect (ou la puissance théorétique, en tant que faculté de l’âme) sont indépendantes des organes corporels.
En conclusion, étant donné l’interprétation d’Aristote faite par Themistius, Saint Thomas considère que l’intellect agent est une partie de l’âme humaine pas seulement l’intellect possible, et que c’est cet intellect agent qui définit l’homme en tant qu’homme.  


Kamal Elgotti
Khénifra le 03-06-2016




Thomas d’Aquin : Contre Averroès, Editions Flammarion, Paris, 1994 ; p- 133





  

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