lundi 31 juillet 2017



Les fondements de la connaissance humaine
Chez Condillac
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VI- La réflexion : sa définition et son origine

Qui-ce que la réflexion ? Comment s’engendre-t-elle ?
Pour qu’elle devienne indépendante de l’univers des objets qui l’entourent, l’âme a besoin des signes que la mémoire évoque, et des idées que l’imagination suscite. C’est ainsi qu’elle devienne encore capable volontairement de manier son attention pourvu qu’elle le veuille. « Nous ne disposons ainsi, dit Condillac, de notre attention que par le secours que nous prête l’activité de l’imagination, produite par une grande mémoire. Sans cela nous ne la réglerions pas nous-mêmes, mais elle obéirait uniquement à l’action des objets. » (1)
De fait, ce pouvoir que nous avons, et qui consiste à diriger notre attention vers certains objets en négligeant d’autres, ou d’analyser successivement les diverses parties d’un même objet, est ce que Condillac appelle : réflexion. Elle est de ce fait issue de l’imagination et de la mémoire. En outre, celle-ci a une emprise sur celle-là, car il suffit d’évoquer un signe arbitraire pour que l’idée, qui appartient en propre à l’imagination, remonte en surface. Ainsi, Condillac tente d’établir une sorte de relation d’interdépendance mutuelle entre l’attention, la mémoire, l’imagination et la réflexion ;le signe arbitraire nous procure un pouvoir, même faible, sur l’attention favorisant ainsi la création d’autres signes, et par suite le développement de l’activité de la mémoire et de l’imagination ; et par voie de conséquence elles, c’est-à-dire la mémoire et l’imagination, contribuerons au développement de la réflexion, qui à son tour leur attribuera de nouvelles activités.  Ainsi, dit Condillac : «  Par tout ce qui a été dit, il est constant qu’on ne peut mieux augmenter l’activité de l’imagination, l’étendue de la mémoire, et faciliter l’exercice de la réflexion, qu’en s’occupant des objets qui, exerçant davantage l’attention, lient ensemble un plus grand nombre de signes et d’idées ; tout dépend de là. »(2) Autrement dit, les objets qui suscitent plus d’intérêt, et satisfont mieux nos besoin, sont les plus aptes à développer les diverses opérations de notre âme.  Celle-ci en outre n’atteint son point culminant d’autonomie qu’avec la réflexion, car seule cette dernière opération est capable de l’arracher des déterminations du monde extérieur ; c’est pour cette raison, dit Condillac que : « L’effet de cette opération (la réflexion) est d’autant plus grand que pour elle nous disposons de nos perceptions, à-peu-près comme si nous avions le pouvoir de les produire et de les anéantir. »(3) Mais, pour rendre cette opération plus facile et plus habile, il faut, selon Condillac, adopter trois règles : la clarté, car plus les signes sont claires plus nous arrivons à saisir bien les idées qu’ils signifient ; la précision, pour garantir la fixation de l’attention sans grand effort ; et enfin de l’ordre pour que l’enchainement des idées soit bien déterminé en partant d’une première idée qui nous est mieux connue.
1-      Les opérations de la réflexion   
On a dit que la réflexion est cette opération qui nous permet de diriger notre attention au gré de notre volonté. C’est elle qui nous rend indépendant des actions des objets du monde extérieur. Et c’est grâce à cette autonomie que nous arrivons à considérer nos idées séparément. En effet, incapable, comme elle  l’était, de manier délibérément son attention, l’âme ne pouvait aucunement distinguer les diverses impressions qu’elle recevait du dehors. En revanche, avec le surgissement de la réflexion, l’âme devient en mesure d’opérer une telle distinction. C’est pourquoi, dit Condillac : « … si nous étions tout-à-fait privés de l’usage de la réflexion, nous ne distinguerions divers objets qu’autant que chacun ferait sur nous une impression fort vive. Tous ceux qui agiraient faiblement, seraient comptés pour rien. »(4)
De fait, si nous arrivons aisément à distinguer deux idées simples, il devient très difficile pour nous de faire de même quand il s’agit d’idées plus complexes, au point qu’il nous arrive de les confondre. Pour surmonter une telle difficulté, l’intervention de la réflexion devient si nécessaire moyennant des opérations telles que : la distinction, l’abstraction, la composition et la décomposition des idées.
L’abstraction est le fait de ne retenir de nos idées que leurs qualités les plus essentielles, en négligeant les autres. Les idées issues de cette opération sont appelés par Condillac : des idées générales, car elles recouvrent une multitude de choses différentes. Ainsi, en pensant à l’homme et la bête, abstraction faites de leurs différences, nous retrouvons l’idée générale d’animal. En outre, de même qu’elle nous permet de distinguer nos idées, la réflexion nous permet aussi de les comparer pour en connaître les rapports. Cette comparaison est d’autant plus facile que les idées sont peu composées ; néanmoins, elle devient plus difficile à mesure qu’elles deviennent plus complexes.  Grâce à cette opération donc, à savoir la comparaison : « Nous rapprochons, dit Condillac, les idées les moins familières de celles qui le sont d’avantage ; et les rapports que nous y trouvons, établissent entre elles des liaisons très propres à augmenter et à fortifier la mémoire, l’imagination, et, par contrecoup, la réflexion. »
Tout au plus, la comparaison des idées nécessite d’autres opérations  importantes, il s’agit bien évidemment de la composition et la décomposition. En effet, composer des idées, qui ont été préalablement distinguées, consiste à les considérer sous une seule notion, les décomposer, consiste par contre à retrancher d’une notion quelques-unes des idées qui la composent.
Somme toute, laissées à elles seules, l’effort que doivent déployer et l’imagination et la mémoire pour conquérir les diverses idées demeurera inabouti, c’est pourquoi le secours de la réflexion devient si nécessaire pour qu’elles puissent mener à bien leur dessein. Et ceci n’est possible que grâce aux opérations de la réflexion, c’est-à-dire : la distinction, la comparaison, la composition et la décomposition des idées.   
VII- L’origine des principes

Quelle- est l’origine des principes ? (*)
Bien qu’il paraisse transgresser la logique et la cohérence du livre, ce chapitre demeure néanmoins en parfaite harmonie avec les précédents chapitres et ceux qui vont suivre. L’objectif de Condillac est de critiquer les propos tenus par certains philosophes, rationalistes en premier lieu, quant à la nature des propositions générales ainsi que de leur origine. En effet, constate Condillac, les premières découvertes des savants n’ont pas été menées avec méthode. C’est par suite qu’il leur a fallu la trouver, mais compte tenu de l’ignorance où ils étaient quant à l’origine des propositions générales sur lesquelles ils bâtissent leur science, ils en ont fait des principes. Et grâce à ces-derniers ils estimèrent donner à leur science la certitude nécessaire, en les considérant comme étant la source ultime de toutes nos connaissances. Ainsi, ils ont fait de la synthèse la méthode adéquate, seule capable à leurs yeux  de donner un fondement sûr à de telles connaissances. A’ l’encontre d’une telle position, Condillac rejette l’idée d’une fécondité qui serait le fruit de la méthode synthétique, comme c’est communément admis quand il s’agit des mathématiques. Pour lui, la certitude de cette science ne découle pas de la synthèse car : « si elle (la science) avait été susceptible d’autant d’erreurs, d’obscurités et d’équivoques que la métaphysique, la synthèse était tout à fait propre à les entretenir et à les multiplier de plus en plus. »(6) Ainsi donc, l’exactitude des mathématiques est due surtout à l’algèbre et à l’analyse. En revanche, le recours à la synthèse comme méthode, selon Condillac, est susceptible de laisser à l’ombre des tares qui infectent la clarté des raisonnements et des notions, en leur attribuant un ordre apparent si constaté dans la métaphysique. A’ travers cette critique, Condillac s’adresse aux philosophes qui se sont servis de concepts empruntés à la géométrie pour appuyer leurs raisonnements métaphysiques. Il s’agit bien évidemment de Descartes, Spinoza, Malebranche et Arnaud, qu’il cite d’ailleurs expressément. Contrairement à cette tendance, Condillac affirme que les propositions générales (principes) sont le résultat des connaissances particulières. Si donc il y a une confusion, c’est la synthèse qui en est responsable, car dit Condillac : « Cette méthode propre, tout au plus, à démontrer d’une manière fort abstraite des choses qu’on pourrait prouver d’une manière bien plus simple, éclaire d’autant moins l’esprit qu’elle cache la route qui conduit aux découvertes. Il est même à craindre qu’elle n’en impose, en donnant de l’apparence aux paradoxes les plus faux, parce qu’avec des propositions détachées et souvent fort éloignées, il est aisé de trouver tout ce qu’on veut, sans qu’il soit facile d’apercevoir par où un raisonnement pèche. »(7)
En s’appuyant sur l’approche qu’il a consacrée à la réflexion et à ses opérations, Condillac estime donc que la vraie analyse, puisque il rejette celle employée par les géomètres, est celle capable de nous expliquer la génération de nos idées. Elle est une composition et une décomposition de ces dernières en vue de les comparer, et ainsi éclaircir les rapports que ces idées maintiennent entre elles. Et c’est grâce enfin à cette procédure que nous pouvons découvrir de nouvelles idées. Ainsi, cette forme d’analyse constitue pour lui : « Le vrai secret des découvertes, parce qu’elle nous fait toujours remonter à l’origine des choses. »(8)
De fait, les principes ou propositions générales, forment le point d’aboutissement et non pas de départ ; c’est vrai qu’elles sont propres à soulager et alléger notre mémoire, mais elles risquent de nous induire dans un ‘’verbalisme stérile’’ quand on en fait le fondement ultime de notre connaissance. ** «  Par conséquent, dit Condillac, le seul moyen d’acquérir des connaissances, c’est de remonter à l’origine de nous idées, d’en suivre la génération et de les comparer sous tous les rapports possibles ; ce que j’appelle analyser. »(9)
Certes, Condillac refuse d’admettre et de considérer les principes comme source de la connaissance humaine. De fait, ce n’est pas en partant des principes, pour en déduire des conclusions, que nous arriverons à connaître les cas particuliers, mais c’est plutôt le contraire ; autrement dit, notre connaissance a pour point de départ le particulier, et c’est  grâce à l’abstraction qu’elle aboutit aux propositions générales. Somme toute, notre connaissance est inductive et non déductive.
VIII- L’entendement : affirmer, nier, juger, raisonner et concevoir.

Suite à la comparaison que nous effectuons entre nos idées, deux actes s’imposent : soit on constate une ressemblance entre elles, et dans ce cas on les lie par la copule « est » ; c’est ce que Condillac appelle : affirmer. Soit on constate, au contraire, une dissemblance entre elles, par suite on les lie, dans ce cas, par la copule « n’est pas » ; c’est ce qu’il appelle : nier. Alors, juger est cette opération qui consiste à affirmer ou nier.
En outre, le raisonnement, ou raisonner est cette autre opération au moyen de  laquelle on arrive à lier des jugements qui dépendent les uns des autres. Quand on forge, grâce au jugement et au raisonnement, des idées exactes, et qu’on connaisse les relations qu’elles entretiennent entre elles, alors nous aurons ce que Condillac nomme : concevoir.
Le but de ces déterminations, et contrairement à maints philosophes, est de débarrasser l’entendement de sa signification idéaliste ; une signification qui voit en lui une faculté qui serait différente, et même transcendante, de nos connaissances, et où ces dernières viennent s’amasser. Ainsi, dit-il : « Cependant je crois que, pour parler avec plus de clarté, il faut dire que l’entendement n’est que la collection ou la combinaison des opérations de l’âme. Apercevoir ou avoir conscience, donner son attention, reconnaître, imaginer, se ressouvenir, réfléchir, distinguer ses idées, les abstraire, les comparer, les composer, les décomposer, les analyser, affirmer, nier, juger, raisonner, concevoir : voilà l’entendement. »(10)
C’est à partir de ce processus donc que Condillac explique la manière avec laquelle s’engendrent les  différentes opérations de l’âme, et comment elles  surgissent les unes des l’autres en partant d’un troc commun, à savoir : la perception.
IX- L’imagination : ses dérives et ses avantages
 
L’imagination a selon Condillac des dérives et des avantages. Par la liberté dont elle dispose, elle est de son pouvoir de combiner les idées les plus insolites, de façon à ce qu’elles soient attribuées au même sujet. Rien donc, dit-il : « Ne paraît d’abord plus contraire à la vérité que cette manière dont l’imagination dispose de nos idées. En effet, si nous ne nous rendons pas maîtres de cette opération, elle nous égarera infailliblement : mais elle sera un des principaux ressorts de nos connaissances, si nous savons la régler. »(11)
Dès lors, et suite à la prise en compte des effets de cette opération, l’imagination aura deux sens différents chez Condillac : elle est tout d’abord l’opération qui réveille les perceptions en l’absence de leurs objets, elle est ensuite ce qui en fait d’elles, volontairement,  des combinaisons nouvelles. Cependant, ces combinaisons d’idées, opérée par l’imagination, se font de deux façons : d’une part volontairement, et dans ce cas elles sont moins fortes et susceptibles d’être détruites, ce sont des combinaisons d’institution ; et d’autre part elles sont l’effet d’une ‘’impression étrangère’’, fortement liées au point qu’il nous arrive de croire qu’elles sont naturelles. De fait, Condillac propose d’examiner celles issues  de cette dernière impression, et commença ainsi par critiquer l’innéisme de Malebranche. Ce dernier, estime, par exemple, que la liaison qu’on constate entre la perception d’un danger et l’idée de la mort qu’elle suscite en nous est naturelle. Chose que Condillac ne peut s’empêcher de refuser, affirmant de sa part que cette liaison est plutôt acquise. En effet, dit-il : « Il est évident que si l’expérience ne nous avait appris que nous sommes mortels, bien loin d’avoir une idée de la mort, nous serions fort surpris à la vue de celui qui mourrait le premier. »(12) Et si Malebranche s’est trompé, c’est parce qu’il n’a pas su, selon Condillac, distinguer ce qui est naturel de ce qui est ‘’commun à tous les hommes’’. La cause d’une telle confusion est : «  qu’on ne veut pas, dit-il, s’apercevoir que les mêmes sens, les mêmes opérations et les mêmes circonstances doivent produire pourtant les mêmes effets. »(13)
En bon psychologue qu’il est, et comme d’ailleurs tous les empiristes, Condillac essayait tout au long de son analyse d’exposer les bienfaits et les malheurs qui peuvent naître de l’usage de notre imagination. Ainsi, s’attarde-t-il à expliquer les raisons de la folie et d’autres égarements semblables, mais insoupçonnables, par une certaine liaison issue d’impression étrangère capable de mettre ensemble des idées extrêmement insolites. Le cas de la confusion qu’on peut constater chez un individu, confusion entre le fictif et le réel, est un cas parmi tant d’autres qui témoignent des dangers livrés par l’usage incontrôlé de notre imagination.
De surcroît, toutes nos passions telles : la peur, la haine, l’amour et le mépris se trouvent expliquées par le même procédé. Elles émanent ainsi de l’interaction qu’entretiennent entre eux l’imagination et les sens. Il s’agit d’une relation rétroactive, car au moment même où elle reçoit l’impact des sens, l’imagination ne cesse pourtant pas d’amplifier cet impact en retour, et d’agir sur eux, c’est-à-dire sur les sens. Cependant, l’imagination donne aux sens plus qu’elle en reçoit. Effet que Condillac explique quand il dit : « Je dis que la réaction de cet organe (l’organe de l’imagination) est plus vive que l’action des sens ; parce qu’il ne réagit pas sur eux avec la seule force que suppose la perception qu’ils ont produite, mais avec les forces réunies de toutes celles qui sont étroitement liées à cette perception, et qui, pour cette raison, n’ont pu manquer de se réveiller. »(14) Ainsi, le plaisir qu’éveille en moi la perception d’une chose n’est pas lié seulement à cette perception, mais encore à celles qu’induit mon imagination. Quand, à titre d’exemple, j’entends une mélodie musicale, l’organe de mon imagination ravive en moi toutes les autres perceptions qui y sont liées, même si mes sens ne m’en donne aucune. C’est ainsi que : « L’imagination renvoie aux sens plusieurs perceptions pour une qu’elle reçoit. Mes esprit***sont dans un mouvement qui dissipe tout ce qui pourrait m’enlever aux sentiments que j’éprouve. Dans cet état, tout entier aux perceptions que je reçois par les sens, et à celles que l’imagination reproduit, je goûte les plaisirs les plus vifs. Qu’on arrête l’action de mon imagination, je sors aussitôt comme d’un enchantement, j’ai sous les yeux les objets auxquels j’attribuais mon bonheur, je les cherche et je ne les vois plus. »(15) 

KAMAL ELGOTTI : KHENIFRA LE 30-07-2017   

             
  



     
1- Condillac : Essai sur l’origine des connaissances humaines, Éditions Galilée, 1973.P.
2-      Ibid. p. 133
3-      Ibid. p. 133
4-      Ibid. p. 135
5-      Ibid. p. 136
6-      Ibid. p. 137
7-      Ibid. p. 138
8-      Ibid. p. 139
9-      Ibid. p. 139
10-  Ibid. p. 141
11-  Ibid. pp. 142-143
12-  Ibid. p. 144
13-  Ibid. p. 144
14-  Ibid. p. 147
15-  Ibid. p. 147

(*) Dans une note au-dessus de la page 137, Condillac définit le principe, et dit : « Je n’entends point ici par principes des observations confirmées par l’expérience. Je prends ce mot dans le sens ordinaire aux philosophes qui appellent principes les propositions générales et abstraites sur lesquelles ils bâtissent leurs systèmes. » 
(**) On peut aisément déceler ici une critique implicite adressée aux cartésiens.


      


(***)Allusion faite, probablement, aux esprits animaux de Descartes par lesquels, selon ce-dernier,  l’esprit agit sur le corps. Pour plus de détails veuillez consulter le traité de Descartes : « Les passions de l’âme ».   Page

                             

mercredi 26 juillet 2017



« Le hasard et la nécessité » de Jacques Monod
Approche critique
-2-
3- La téléonomie : protéines « intelligentes » ou « démons » de Maxwell

Pour soutenir sa thèse qui postule la priorité de l’invariance sur la téléonomie, Monod s’attache à démontrer que le mécanisme téléonomique des êtres vivants n’est sûrement pas quelque chose qui serait transcendant à eux ; il en est plutôt une partie intégrante. Ce mécanisme se révèle à travers trois fonctions que Monod attribue aux protéines, ce sont : la fonction catalytique, régulatrice et constructive. En effet, dit-il : « La notion de téléonomie implique l’idée d’une activité orientée, cohérente et constructive. Par ces critères les protéines doivent être considérées comme les agents moléculaires essentiels des performances téléonomiques des êtres vivants. »(1)   De fait, l’organisme des êtres vivants est vu pas Monod comme étant une machine caractérisée par son processus chimique, par son unité fonctionnelle cohérente et intégrée, et enfin par sa capacité à se construire elle-même. Ces  performances téléonomiques des protéines reposent sur leurs propriétés « stéréospécifiques » : « c’est-à-dire, dit Monod, leur capacité de ‘’reconnaître’’ d’autres molécules (y compris d’autres protéines) d’après leur forme, qui est déterminée par leur structure moléculaire. »(2) Et afin de bien expliciter cette capacité qui caractérise les protéines, c’est à l’image du démon de Maxwell que Monod recours. En effet, pour contrecarrer le deuxième principe de la thermodynamique, Maxwell imagine un démon qui serait capable de répartir les particules d’un gaz dans une enceinte, formée de deux compartiments, de façon à ce que les particules les plus rapides (de haute énergie) puissent passer dans le deuxième  compartiment, alors que les lentes (de faible énergie) puissent demeurer dans le premier. Ainsi, au lieu qu’elles aient la même température à la fin du processus, les particules du gaz des deux compartiments finissent par avoir des températures différentes, chose qui viole carrément le deuxième principe de la thermodynamique. Cette fonction « cognitive », selon Monod, qu’exerce ce démon met les physiciens devant un « paradoxe » qui semble bien transgresser l’un des principes fondamentaux de la physique. Néanmoins, ce fameux paradoxe a été résolu grâce aux travaux du physicien « Léon Brillouin ». Ce dernier, dit Monod : « Démontra que l’exercice de ses fonctions cognitives par le démon devait nécessairement consommer une certaine quantité d’énergie qui, dans le bilan de l’opération, compensait précisément la diminution d’entropie du système. »(2) Autrement dit, tout échange d’information entre le démon et les particules du gaz, pour les distribuer selon la répartition mentionnée ci-dessus, nécessite une interaction qui exige une consommation d’énergie. Si donc  les organismes vivants défient ce deuxième principe, c’est du côté des protéines, avec leurs fonctions « démoniaques », qu’il faudra chercher la vraie cause. En effet les enzymes, comme sorte de protéines, « fonctionnent, dit Monod, exactement à la manière du démon de Maxwell corrigé par Szilard et Brillouin, drainant le potentiel chimique dans les voies choisies par le programme dont ils sont les exécutants. »(3) Mais, cette fonctionnalité caractéristique des enzymes, et des protéines, et  qui contribue au rétablissement de l’ordre au sein des êtres vivant, exige une consommation de potentiel chimique, c’est-à-dire un échange obligatoire d’information qui contribue ainsi à éliminer le paradoxe que révèle et la téléonomie et l’invariance.  
4- La question de la méthode

Afin de mettre la lumière sur l’aspect téléonomique qui caractérise les vivants, Monod avait consacré le troisième chapitre de son livre à l’analyse de la fonction catalytique des enzymes ; fonction qui les rendaient similaire au démon de Maxwell, sans pour autant violer le seconde principe de la thermodynamique. Au quatrième chapitre il tente d’expliciter la fonction régulatrice et coordinatrice caractéristique des protéines, fonction qui démontre une fois de plus le « comportement téléonomique » qui les détermine. Ainsi, dit-il, « En vertu même de son système spécifique, un enzyme ‘’classique’’… constitue une unité fonctionnelle totalement indépendante. La fonction ‘’cognitive’’ de ces ‘’démons’’ se borne à la reconnaissance de leur substrat spécifique, à l’exclusion de tout autre corps comme de tout événement qui puisse se produire dans la machinerie chimique de la cellule.
(…) la somme totale de ces activités (à savoir des enzymes) ne pourrait conduire que chaos si elles n’étaient pas, en quelque manière, asservies les unes au autres pour former un système cohérent. Or on a par ailleurs les preuves les plus manifestes de l’efficacité extrême de la machinerie chimique des êtres vivants, des plus ‘’simples’’ aux plus ‘’complexes’’.
Chez les animaux on connaît bien entendu depuis longtemps l’existence de système assurant la coordination à grande échelle des performances de l’organisme. Telles sont les fonctions du système nerveux et du système endocrine. Ces systèmes assurent la coordination entre organes ou tissus, c’est-à-dire en définitive, entre cellules. Qu’au sein de chaque cellule un réseau cybernétique presque aussi complexe…assure la cohérence fonctionnelle de la machinerie chimique intracellulaire… »(4) Que peut-on donc déduire de ce texte ? Le point le plus important qu’on peut en déduire est que les constituants essentiels qui confèrent aux êtres vivants leurs propriétés, y compris téléonomique, sont des constituants microscopiques hautement organisés. Leur travail est, selon Monod, similaire à celui qu’effectue une machine chimique qui fonctionne, d’un point de vue organisationnel, comme un système cybernétique qui coordonne les interactions à l’intérieur de la cellule. Et c’est les protéines qui jouent le rôle le plus important dans ce processus. Mais, il reste à savoir que ces processus, ces interactions et ces constituants exigent une méthode d’investigation appropriée autant à la nature de l’objet qu’à l’objectif de la recherche. De fait, quelle méthode adéquate faut-il pour de tels objets ?
Les êtres vivants sont des organismes complexes, c’est pourquoi une discussion sur la nature de la méthode appropriée pour les étudier s’impose avec force. Pour ce le faire, Monod revient à l’ancienne confrontation entre les « réductionniste » et les « organicistes ». En effet, les représentants de tendances qualifiées d’hégéliennes par Monod, estiment que l’approche analytique, quand il s’agit d’être complexe comme les vivants, est inopérante. Les organicistes et les holistes considèrent la méthode analytique comme étant une méthode stérile, car elle tend à réduire les propriétés d’organismes complexes à la somme des parties qui les constituent ; autrement dit, ils nient la possibilité de voir et de concevoir le « tout » à partir de ces «  parties ». Cependant, Monod, estime de sa part que les « holistes » ignorent la nature propre de la méthode scientifique, et le rôle que joue l’analyse dans une telle méthode ; de fait, se demande-il : « Peut-on seulement concevoir qu’un ingénieur martien, voulant interpréter le fonctionnement d’une calculatrice terrienne, puise parvenir à un résultat quelconque s’il se refusait, par principe, à disséquer les composants électroniques de base qui effectuent les opérations de l’algèbre propositionnelle ? »(5)  Si Monod avait donc entamé une discussion sur le champ de la cybernétique microscopique, comme étant l’un des champs les plus importants de la biologie moléculaire, c’est pour affirmer la stérilité des thèses organicistes face à la fécondité de la méthode analytique. Ainsi, les performances téléonomiques ne sont pas une marque qui serait caractéristique des systèmes complexes, puisque la molécule de la protéine n’est pas capable seulement d’activer sélectivement certaines interactions, mais capable aussi d’organiser son activité en fonction d’un nombre importants d’informations chimiques. L’étude donc de ces systèmes microscopiques révèle en fin de compte la complexité, la richesse et la force de ce réseau cybernétique chez les êtres vivants, ce qui surpasse de loin ce qu’une étude générale des performances des organismes peut nous en révéler. En somme, Monod estime qu’il n’y a aucune possibilité d’accéder à des résultats importants, concernant les vivants, si on demeure dans l’horizon de la méthode holiste, telle qu’elle s’est manifestée, entre autres, dans la « théorie générale des système » de L.V.Bertalanfy.
5- Ontogénèse moléculaire et la question du hasard.

Les protéines jouent donc un rôle culminant, par leur fonction catalytique et régulatrice, dans le processus de structuration de l’aspect téléonomique des êtres vivants. Ce rôle a ses conséquences philosophiques et épistémologiques que nous avons essayé de relater tout au long de l’analyse précédente. Dans le cinquième chapitre Monod tente d’expliquer comment le processus morphogénétique spontané et autonome repose sur les propriétés de reconnaissance « stéréospécifique » des protéines, et se déroule au niveau microscopique avant de se manifester au niveau des structures macroscopiques. C’est donc dans ces structures protéiniques élémentaires qu’il cherchait le « secret » de ces propriétés cognitives qui faisaient des protéines des « démons de Maxwell » capables d’activer et de construire les systèmes vivants.  
De fait, le débat entre les « préformationnistes », qui croyaient que l’œuf contenait une miniature de l’animal adulte, et les « épigénétistes », qui eux croyaient à un enrichissement réel de l’information initiale, a perdu tout intérêt, car une structure achevée et qui serait en outre préformé n’est qu’une chimère. Cependant, le plan d’une telle structure, selon Monod,  demeure pour autant présent dans ses constituants eux-mêmes. Ainsi, il peut se manifester d’une manière autonome et spontanée sans l’intervention d’agents extérieures, et sans injonction d’information nouvelle. Cette dernière était présente mais non manifeste dans les constituants. Par conséquent, dit Monod : « La construction épigénétique d’une structure n’est pas une création, c’est une révélation. »(6) Ainsi donc, reste-il fidèle à sa méthodologie analytique qu’il a bien défendue auparavant en réduisant en premier lieu toutes les structures complexes des organismes vivants à des constituants protéiniques élémentaires.
En effet, Monod considère que le processus de structuration de la « protéine globulaire »* nous révèle à la fois l’image microscopique de l’organisme et la source de son développement épigénétique autonome. Ce- dernier est subdivisé en quatre étapes :
a- « Repli des séquences polypeptidiques pour donner les structures globulaires, pourvues des propriétés associatives stéréospécifiques. »
b- « Interactions associatives entre protéines…pour former les organismes cellulaires. »
c- « Interactions entre cellules, pour constituer tissus et organes. »
d-«  A toutes ces étapes, coordination et différenciation des activités chimiques par des interactions de type allostérique**. »(7)
C’est à travers ces étapes et ce processus, souligne Monod, que se développent des structures supérieures, ainsi que de nouvelles fonctions, décelant par là même les possibilités latentes que recouvrent les niveaux antérieurs. De cette façon s’explique, selon lui, le déterminisme constaté dans le phénomène vivant, et qui retrouve son origine « ultime » dans l’information génétique contenue dans l’ensemble des chaînes polypeptidiques sélectionnées par des conditions élémentaires. Par conséquent, « l’ultimo-ration » des structures et des performances caractéristiques des êtres vivants se trouve donc dans les séquences de radicaux des fibres polypeptidiques considérées par Monod  comme étant les embryons des « démons de Maxwell » biologiques, c’est-à-dire des protéines globulaires. Autrement dit, tout le « secret de la vie » se trouve renfermé, selon lui, à ce niveau d’organisation chimique. En outre, toutes les études comparatives entre les diverses protéines extraites d’organismes totalement différents, et surtout la comparaison faite entre leurs séquences à l’aide de moyens moderne en matière d’analyse et de calcul, ont conduit à la découvert d’une loi générale : la loi du hasard, qui est, d’après Monod, la source ultime de toutes les structures des êtres vivants.    
Cependant, si la structure protéinique primaire est due à un choix issu du simple hasard, les séquences, quant à leurs formes actuelles, n’obéissent pas à la même loi, puisque on assiste, sans erreur, à la reproduction de la même organisation dans les molécules de la protéine considérée. De facto, Monod en déduit sa thèse selon laquelle tous les êtres vivants, avec leurs structures, et leurs diverses fonctions, et même la biosphère toute entière, sont le « fruit » du hasard qui s’est transformé à cause du mécanisme de l’invariance à une nécessité. « Hasard, dit-il, capté, conservé, reproduit par la machinerie de l’invariance et ainsi converti en ordre, règle, nécessité. »(8)  

6- Invariance et perturbations

Au début du sixième chapitre de son livre « Le hasard et la nécessité », Monod évoque la confrontation qu’avait connue la pensée occidentale entre deux conceptions philosophiques antagonistes : il s’agit d’une part d’une conception qui réduisait la réalité « mouvante » à des essences perpétuellement stables, ainsi était la position de Parménide et de Platon ;  et d’autre part une conception qui voyait dans le mouvement et le devenir le « réel vrai », telle était la position d’Héraclite, de Hegel et de Marx. Néanmoins, d’après Monod, l’opposition entre ces deux conceptions est plutôt apparente qu’essentielle. Ce sont des « épistémologies métaphysiques » qui reflètent et justifient les conceptions morales et politiques de leurs auteurs ; mais la science, elle, ne reconnaît que le postulat  d’objectivité, ce qui l’amenait loin de ces polémiques à caractère plutôt « idéologique » que scientifique. Autrement dit, la science étudie l’évolution de l’univers et des systèmes qui le composent, y compris la biosphère avec ses différents et divers composants où chaque phénomène fait partie d’un ensemble d’interactions qui contribuent à un changement affectant les éléments du système tout entier. Mais, l’existence même du changement et de l’interaction dans l’univers ne contredit nullement l’invariance et la stabilité qu’on peut y constater, puisque la stratégie de la science consiste en effet à chercher des constants ; ainsi dit Monod : « Quoi qu’il en soit, il y a et il demeurera dans la science un élément platonicien qu’on ne saurait en distraire sans la ruiner. Dans la diversité infini des phénomènes singuliers, la science ne peut chercher que les invariants. »(9) Ainsi, Monod voie dans le « principe d’identité » non pas seulement un simple principe logique, mais aussi un postulat physique du moment que la physique contemporaine insiste sur l’identité absolue de deux  atomes qui se trouvent dans le même état quantique. Mais, comment expliquer la diversité constatée dans notre environnement ?  
En réponse à cette question, Monod affirme que la découverte de la cellule a mis en lumière l’unité profonde qui unissait les divers êtres vivants, unité qui a été, tout au plus, confirmée par les importantes découvertes réalisées en biochimie. Dès lors, dit-il : « C’est aux biologistes de ma génération qu’a été accordée cette révélation de la quasi-identité de la chimie cellulaire dans la biosphère entière. Dès 1950, la certitude en était acquise, et chaque publication nouvelle en apportait la confirmation. Les espoirs des ‘’platoniciens’’ les plus convaincus étaient mieux que comblés. »(10)  Néanmoins, cette forme chimique universelle qui unit tous les vivants rend paradoxal le problème de l’invariance productive, car si leurs composants chimiques sont les mêmes, alors comment peuvent-ils être à l’origine de l’immense diversité et différence qu’on constate entre ces mêmes vivants ?
Concernant ce problème, Monod considère que les composants universels, à savoir d’une part les nucléotides et d’autre part les acides aminés, sont en quelque sorte les ‘’lettres ‘’ à l’aide desquelles s’écrivait la structure, et par suite les fonctions associatives spécifiques des protéines. Grâce à ces « lettres » donc, toute la diversité de la biosphère peut-être écrite aussi bien au niveau de la structure que niveau de la performance. En outre, la reproduction invariante du ‘’texte écrit’’ sous forme de chaînes nucléotidiques au sein de l’ADN, dans chaque génération cellulaire, est ce qui garantie l’invariance de l’espèce, c’est pourquoi, dit-il : « L’invariant biologique fondamental est l’ADN. »(10)
 Par suite, le point qu’il faut noter, vue son importance selon Monod, est que le mécanisme de la traduction est absolument irréversible, jamais ‘’l’information génétique’’ ne passe dans le sens inverse : c’est-à-dire de la protéine à l’ADN. Ainsi, aucun mécanisme ne peut changer la structure de la protéine ni ses performances (car ceci aurait pour conséquence le passage d’un tel changement vers la descendance) sauf au cas où il y aurait « une altération des instructions représentées par un segment de séquence de l’ADN. »(11)
En effet, dit Monod : « Le système tout entier, par conséquent, est totalement, et intensément conservateur, fermé sur soi-même, et absolument incapable de recevoir quelque enseignement que ce soit du monde extérieur. Comme en le voit, ce système, par ses propriétés, par son fonctionnement d’horlogerie microscopique qui établit entre ADN et protéine, comme aussi entre organisme et milieu, des relations à sens unique, défie toute description ‘’dialectique’’. Il est foncièrement cartésien et non hégélien : la cellule est bien une machine. »(12)  
On n’a pas à insister ici sur l’aspect cartésien caractéristique de cette thèse, je laisse le lecteur en juger lui-même. Il faut plutôt se demander si cette stabilité, et ce caractère conservateur défient tout changement et toute mutation qui pourraient pousser l’évolution de l’être vivant en un sens tout à fait différent.
Quel que soit, selon Monod, l’entité microscopique considérée, elle reste  soumise aux perturbations quantiques, dont l’accumulation au sein d’un système macroscopique contribuera inévitablement à en altérer la structure. Ainsi, des recherches récentes en biologie ont montré que des altérations peuvent atteindre la séquence polynucléotides de la double fibre de l’ADN. Mais ces altérations sont, selon lui, accidentelles, c’est-à-dire qu’elles arrivent par ‘’hasard’’. Et puisque elles sont la source unique et possible des changements que pourraient connaître le ‘’texte génétique’’, alors il faut nécessairement reconnaître que le hasard seul est à la source de toute nouveauté, comme de toute création nouvelle au sein de la biosphère. Il est aussi l’origine unique de l’évolution. En effet, le concept de ‘’hasard’’ est devenu dans la biologie moderne non pas une hypothèse parmi d’autres, mais plutôt l’unique hypothèse possible conforme avec les résultats de l’observation et de l’expérience, c’est pourquoi dit-il : « Cette notion est aussi, de toutes celles de toutes les sciences, la plus destructive de tout anthropocentrisme, la plus inacceptable intuitivement pour les êtres intensément téléonomiques que nous sommes. C’est donc la notion ou plutôt le spectre que doivent à tout prix exorciser toutes les idéologies vitalistes et animistes. Aussi est-il très important de préciser dans quel sens exact le mot de hasard peut et doit être employé, s’agissant des mutations comme source de l’évolution. »(13) De fait, et afin d’élucider le sens du hasard tel qu’il l’entend, Monod opéra une distinction entre deux genres d’incertitudes : une incertitude « opérationnelle » liée à notre incapacité à saisir tous les paramètres qui gouvernent un phénomène donné ; c’est comme au jeu de ‘’dés’’ où les résultats demeurent probables et imprécis. Toutefois, cette incertitude pourrait être éliminée si nous arriverons à concevoir une mécanique de lancement très précise, de façon à mettre de côté les paramètres qui perturberaient notre prévision. Mais, l’incertitude pourrait être aussi « essentielle », il s’agit surtout de ce que Monod appelle les « coïncidences absolues » : je me prépare, par exemple, pour aller faire des achats, et voilà soudainement la pluie qui commence à pleuvoir ; il n’existe en effet aucune relation nécessaire entre mes préparatifs, la tombée de la pluie et le marché. Dans ce genre d’événement nous sommes face à un « hasard absolu », où il y a une coïncidence entre des séquences causales absolument indépendantes les unes des autres. C’est cette même indépendance qu’on constate, selon Monod, entre « les événements qui peuvent provoquer ou permettre une erreur dans la réplication du message génétique et ses conséquences fonctionnelles. »(14)  Ainsi donc, l’évolution n’est pas une propriété  des êtres vivants puisque elle a ses racines dans les imperfections qui peuvent toucher leur unique privilège, c’est-à-dire leur mécanisme conservateur. Il faut donc soutenir, dit Monod : « que la même source de perturbation, de « bruit » qui, dans un système non vivant, c’est-à-dire non réplicatif, abolirait peu à peu toute structure, est à l’origine de l’évolution dans la biosphère, et rend compte de sa totale liberté créatrice, grâce à ce conservatoire du hasard, sourd au bruit autant qu’à la musique : la structure réplicative de l’ADN. »  


                               

          
              
   






1-      Monod Jacques : Le hasard et la nécessité, Éditions du seuil, 1970, p. 67
2-      Ibid. p. 82
3-      Ibid. p. 83
4-      Ibid. pp. 87-88
5-      Ibid. p. 105
6-      Ibid. p. 117
7-      Ibid. pp. 125-126
8-      Ibid. p. 128
9-      Ibid. p. 135
10-  Ibid. p. 138
11-  Ibid. p. 145
12-  Ibid. p. 145
13-  Ibid. p. 148
14-  Ibid. p. 149

    
*Protéine globulaire : ce sont des protéines solubles dans l’eau grâce à leurs nombreux groupements hydroxyles pouvant lier leur H avec l’ O de l’eau en formant une liaison hydrogène. Les protéines globulaires comprennent les enzymes tout comme les hormones, les anticorps… ces caractéristiques permettent de les distinguer des autres protéines dites fibreuses.

**L’allostérie est un mode de régulation de l’activité d’une protéine par lequel la fixation d’une molécule effectrice en un site modifie les conditions de fixation d’une autre molécule, en un autre site distant de la même protéine. Ce concept a été formalisé par Jacques Monod, Jean-Pierre Changeux et Jeffries Wyman. Page 1



  

 KAMAL ELGOTTI : KHENIFRA LE 24-07-2017