« Nicolas de
Cues : les mathématique au service de la métaphysique »
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I- Prologue
D’origine allemande, Nicolas
Chrypffs (1401-1464), communément connu sous le nom de Nicolas de Cues, en
raison de sa ville natale Bernkastel-Kues, située sur les bords de la Moselle,
est considéré par un bon nombre de philosophes comme étant « le messager
(harbinger) de la modernité. »(1) Certes, il l’est à cause de sa doctrine
sur l’infinité de l’univers, à la quelle il a consacré le deuxième livre de son
traité intitulé : « la docte ignorance » (traduit parfois par
l’ignorance savante). Il l’est aussi, puisque il fait parti des philosophes qui
ont ébranlé, quoique sur un plan métaphysique plutôt que physique, la doctrine
aristotélicienne qui soutenait l’image d’un cosmos clos et hiérarchisé.
Mais, en tous cas, il reste vrai
que l’éclosion et de la science moderne et de la subjectivité moderne, avait
besoin d’une métaphysique autre, celle capable de sous-tendre cette science
naissante, de façon à ce qu’elle soit sa condition de possibilité.
Pourtant, et nonobstant les
considérations susdites, on ne peut en conclure qu’il croyait effectivement à
l’idée d’un univers qui serait infini. D’ailleurs, comme Descartes deux siècles
après, il affirmait qu’il est seulement indéterminé, car Dieu seul est
véritablement infini en acte. *
En outre, Nicolas de Cues est
considéré par les historiens de la philosophie comme un néoplatonicien qui
s’est nourri d’une grande tradition qui remonte à Platon, Aristote, Proclus,
Augustin et Denis l’Aréopagite et sa théologie négative. Sans successeur, De
Cues avait néanmoins influencé par ces idées innovatrice, même si Pierre Duhem
conteste son originalité**, plusieurs philosophes et savants, parmi eux on peut
citer les noms de : Copernicus, Kepler, Bruno, Descartes, Leibniz,
Blumenberg et Georg Cantor. (2)
Certains auteurs contemporains
voient même en lui un plus ou moins « révélateur » de quelques
conceptions qui seront élaborées en physique quantique. Il s’agit là surtout de
sa conception sur la « coïncidence des opposées » qui défie les deux
principes fondamentaux de la logique aristotélicienne, à savoir : le
principe d’identité et celui de la non-contradiction. En effet, dire qu’à
l’infini la courbe est une droite, et la droite une courbe, c’est soutenir
qu’une même chose peut être la même et l’autre, autrement dit c’est affirmer la
coïncidence de l’identité et de l’altérite***. C’est ce que affirme, dans
certaine mesure, la théorie du quanta quand elle révèle la double-nature de la
matière à travers ce qu’elle appelle : dualité
« onde-corpuscule ».
De ma part, j’estime qu’il est
très important de prendre le cadre théorique au sein duquel s’est inauguré la
pensée de Nicolas de Cues comme
paradigme afin de repenser la relation entre les différents champs théoriques.
Ces derniers se sont éparpillés suite à la spécialisation accrue de la
connaissance, et surtout suite à la domination d’une « idéologie
positiviste » qui ne considère les autres expressions symboliques que
comme étant des formes archaïques reflétant l’âge « enfantin » de la
pensée humaine. Un tel état de chose est ce que constate clairement l’historien
et épistémologue des sciences Robert locqueneux quand il dit : « L’enseignement
des sciences et la pratique scientifique peuvent nous donner l’illusion qu’il y
a une rationalité scientifique, universelle et intemporelle ; une
rationalité qui exclue toute idée d’alliance de la science et de la théologie.
Spontanément les hommes de notre temps sont enclins à penser que la science et
la religion n’ont jamais pu faire bon ménage. » (3) Ainsi, si j’ai choisi
de penser cette relation, c’est pour dévoiler cette interdépendance des champs
de l’activité rationnelle des humains qui a durée des siècles sans pour autant
cesser de l’être jusqu’à maintenant. Mais ce qui a retenu mon intention c’est
le rôle qu’avaient joué les mathématiques dans l’édification de la métaphysique
de Nicolas de Cues, et surtout de sa conception théologique concernant le Dieu.
Alors, dans quel sens peut-on parler d’une alliance entre mathématiques et
métaphysique dans le système de notre philosophe ?
c'est à cette question donc, que je m'attacherai à répondre dans la suite des articles que j'ai consacrés à ce thème.
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