SAINT THOMAS :
CRITIQUE D’AVERROES
-Article 3-
Notre conclusion lors
du dernier article était que l’intellect n’est pas mêlé au corps. En adoptant
ce constat, les averroïstes ont en déduit qu’il est une substance séparée de
l’âme et du corps. Dans ce cas, il n’est pas une âme et n’en fait pas partie.
En plus il est incorruptible. Afin de soutenir cette thèse, ils se sont
appuyés sur deux arguments au moins. Premièrement,
ils disaient, si l’intellect était une
partie de l’âme, et si celle-ci était la forme d’un corps, alors une fois ce
corps péri, l’âme et l’intellect périraient avec. Deuxièmement, si l’intellect
était une forme du corps, alors il serait composé d’éléments, puisque le corps
lui-même est un assemblage d’éléments. Donc, l’intellect serait inséparable du
corps et corruptible, thèse qui contredit les enseignements d’Aristote. En
outre, puisque l’intellect ne peut penser qu’avec des images qu’il reçoit des
sens, alors sur quelle forme l’âme pourra- elle- garder les processus intellectuels
dès que le corps périt ?
Face à ces arguments Saint Thomas considère que l’âme est une
forme liée au corps, comme l’est la « chaleur » et le
« chaud », tandis que l’intellect est séparable du corps, même
s’il demeure inséparable d’elle. Et c’est pour cette raison qu’il est le
seul, parmi les facultés de l’âme, qui soit « immortel et
éternel »(1). Ainsi, il paraît absurde de dire que l’âme intellective est
composée d’éléments, car il est simple et sans mélange. Quant à la manière dont
l’âme pensera les processus
intellectuels une fois séparée du corps, c’est sûr qu’elle les pensera
différemment, mais c’est au métaphysicien qu’il revient de décider du sens de
la question et pas le physicien.
Donc nous avons deux interprétations différentes des textes
d’Aristote. Et parmi ces textes, le passage de son livre « De la
génération des animaux » où il dit de l’intellect qu’il est le seul qui
« vient du dehors et que seul il est quelque chose de divin. »(2)
Reste à savoir la signification des notions telles que « le dehors »
et « le divin », et c’est la’ que se révèlent toutes les différences qui ont marqué les
travaux de Saint Thomas et celles d’Averroès. En effet, au moment où le premier
voit dans ce passage une confirmation de son idée sur la séparabilité de
l’intellect du corps et non de l’âme, Averroès y voit plutôt une affirmation
claire de l’indépendance de l’intellect à l’égard des deux à la fois :
thèse contesté par Saint Thomas à la fin du premier chapitre quand il dit :
« l’âme humaine est l’acte d’un corps et l’intellect possible est une de
ses parties ou puissances. » (3)
Kamal Elgotti 20-05-2016
Khénifra
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