dimanche 23 octobre 2016



SAINT THOMAS : CRITIQUE D’AVERROES
-Article 3-
 Notre conclusion lors du dernier article était que l’intellect n’est pas mêlé au corps. En adoptant ce constat, les averroïstes ont en déduit qu’il est une substance séparée de l’âme et du corps. Dans ce cas, il n’est pas une âme et n’en fait pas partie. En plus il est incorruptible. Afin de soutenir cette thèse, ils se sont appuyés  sur deux arguments au moins. Premièrement, ils disaient,  si l’intellect était une partie de l’âme, et si celle-ci était la forme d’un corps, alors une fois ce corps péri, l’âme et l’intellect périraient avec. Deuxièmement, si l’intellect était une forme du corps, alors il serait composé d’éléments, puisque le corps lui-même est un assemblage d’éléments. Donc, l’intellect serait inséparable du corps et corruptible, thèse qui contredit les enseignements d’Aristote. En outre, puisque l’intellect ne peut penser qu’avec des images qu’il reçoit des sens, alors sur quelle forme l’âme pourra- elle- garder les processus intellectuels dès que le corps périt ?      

Face à ces arguments Saint Thomas considère que l’âme est une forme liée au corps, comme l’est la « chaleur » et le « chaud », tandis que l’intellect est séparable du corps,  même  s’il demeure inséparable d’elle. Et c’est pour cette raison qu’il est le seul, parmi les facultés de l’âme, qui soit « immortel et éternel »(1). Ainsi, il paraît absurde de dire que l’âme intellective est composée d’éléments, car il est simple et sans mélange. Quant à la manière dont l’âme pensera  les processus intellectuels une fois séparée du corps, c’est sûr qu’elle les pensera différemment, mais c’est au métaphysicien qu’il revient de décider du sens de la question et pas le physicien.

Donc nous avons deux interprétations différentes des textes d’Aristote. Et parmi ces textes, le passage de son livre « De la génération des animaux » où il dit de l’intellect qu’il est le seul qui « vient du dehors et que seul il est quelque chose de divin. »(2) Reste à savoir la signification des notions telles que « le dehors » et « le divin », et c’est la’ que se révèlent  toutes les différences qui ont marqué les travaux de Saint Thomas et celles d’Averroès. En effet, au moment où le premier voit dans ce passage une confirmation de son idée sur la séparabilité de l’intellect du corps et non de l’âme, Averroès y voit plutôt une affirmation claire de l’indépendance de l’intellect à l’égard des deux à la fois : thèse contesté par Saint Thomas à la fin du premier chapitre quand il dit : « l’âme humaine est l’acte d’un corps et l’intellect possible est une de ses parties ou puissances. » (3)   

Kamal Elgotti 20-05-2016

Khénifra 





1- Thomas d’Aquin : Contre Averroès, traduction d’Alain de Libra, Editions Flammarion, Paris, 1994.p-111
2-Ibid, p-119
3-Ibid, p-125

       

        
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