Les fondements de la connaissance
humaine
Chez Condillac
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IV- De l’origine de
l’imagination, la mémoire et la contemplation
Quelle-est l’origine de
l’imagination, la mémoire et la contemplation ? Et comment
s’engendrent-elles ?
L’attention est responsable de
la persistance des perceptions dans notre esprit. Ces dernières, comme c’est
déjà démontré, sont dues à l’impact des objets du monde extérieur. Et c’est de
leurs liaisons que naissent plusieurs autres opérations de l’âme, y compris la
réminiscence.
Ainsi, la première de ces
opérations est l’imagination. Elle est la remontée en surface d’une perception
dès la vue d’un objet. Cette opération
n’est que la conséquence de la liaison opérée par l’attention entre
ce-dernier et la perception correspondante. Parfois même il suffit d’entendre
le nom de l’objet désigné pour que la perception apparaisse.
La deuxième est la mémoire.
Celle-ci permet l’évocation d’une idée générale de la perception, et non pas la
perception elle-même. Lorsque, par exemple, nous nous souvenons d’un parfum qui
nous a été offert au jour de notre anniversaire, de son odorat nous nous
représentons qu’une idée abstraite de la perception qui s’y rattache.
Enfin, la contemplation est
due à la liaison qu’opère l’attention entre nos idées. C’est grâce à elle que
nous pouvons penser aux choses absentes. A’ partir d’elle nous pouvons aussi
référer ces choses soit à l’imagination, si cette contemplation conserve la
perception même ; soit à la mémoire si elle n’en conserve que le nom ou
certaines circonstances générales et abstraites qui y sont liées.
En outre, pour dissiper la
confusion qui régnait parmi les philosophes, confusion entre l’imagination et
la mémoire, Condillac propose de bien distinguer ces opérations, vue
l’importance qu’elle revêt pour comprendre la génération des autres opérations
de l’âme.
En effet, certains
philosophes, et en premier lieu Locke, ont cru que les circonstances qui
entourent la perception ou quelque idée générale qui s’y rattache sont bien la
perception même de l’objet. Pour expliciter le nœud de l’embrouille Condillac
nous dit : « Jusqu’ici, ce que les philosophes ont dit à cette
occasion, est si confus, qu’on peut souvent appliquer à la mémoire ce qu’ils
disent de l’imagination, et à l’imagination ce qu’ils disent de la
mémoire. »(1)
Pour ce faire, Condillac
entreprend de différencier nos diverses perceptions, et d’examiner chacune dans
leur ordre. Ainsi, l’idée de l’étendu est facilement représentable, car elle
est fortement liée aux sensations qui l’occasionnent ; et, au surplus,
elle est modifiable, c’est-à-dire qu’on peut la généraliser.
Mais, concernant la grandeur
d’un corps, il s’avère difficile pour nous d’évoquer la perception liée à elle
faute d’idée absolue qui peut nous servir d’étalon de mesure fixe. Par
conséquent, notre esprit ne peut se souvenir que de noms de mesures traduits
par des unités comme le centième ou le mètre, par exemple.
Grâce à ces deux idées,
c’est-à-dire l’étendue et la grandeur, nous pouvons évoquer les figures
simples, même en l’absence des objets. Néanmoins, à mesure que le nombre des
côtés augmente, il devient impossible pour nous d’en représenter l’image. Pour
s’en convaincre, il suffit de penser, à titre d’exemple, à un polygone qui
aurait mille côtés. Dans ce cas, nous nous représentons que le nom du polygone
concerné et non pas la perception qui y correspond. En outre, le discernement
des différentes idées simples constitutives des noms, se fait d’une manière
successive, chose qu’on ne peut attribuer, selon Condillac, à la mémoire.
De fait, il n’y a que
l’imagination qui puisse accomplir une telle tâche moyennant ce qu’il appelle
l’ordre et la symétrie. Ces dernièrs sont les deux points fixes auxquels elle,
c’est-à-dire l’imagination, réduit le tout, « Que je songe, dit Condillac,
à un beau visage, les yeux ou d’autres traits, qui m’auront le plus frappé,
s’offriront d’abord ; et ce sera relativement à ces premiers traits que
les autres viendront prendre place dans mon imagination. »(2)
Autrement dit, nous commençons
d’abord par considérer les parties, et en suivant un ordre, disons croissant,
nous accédons à l’idée du tout.
En revanche, des sensations
telles que celle de goût, de son, de couleur etc, ne laissent aucune perception
en nous, une fois que les objets qui les motivent disparaissent. Dans ce cas,
alors, ces genres de perceptions ne peuvent nullement être modifiés de façon à
ce qu’ils deviennent applicables à d’autres objets : une orange par
exemple.
Par contre, je peux me
représenter par symétrie les dimensions de mon automobile, en les comparant aux
dimensions d’une autre automobile. C’est pourquoi, s’agissant de sensations de
goût, de couleur...etc il est impossible d’user de l’ordre et de la symétrie
pour soutenir notre imagination.
Ainsi, la distinction entre
l’imagination, la mémoire et la réminiscence est due, selon Condillac, à un certain
progrès qui s’établit de l’une à l’autre de ces opérations. La première nous
aide à évoquer la perception même, la deuxième les signes et les circonstances
qui l’entourent, alors que la dernière nous amène à reconnaître les perceptions
que nous avons déjà eues.
Tarik kamal : 06-11-2016
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