mardi 1 novembre 2016



Les fondements de la connaissance humaine
Chez Condillac
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I- Les matériaux de la connaissance humaine

Nous restons nous-mêmes le point de départ et le fondement, quoique nous dirigions notre attention vers le monde extérieur ou intérieur. Et l’origine de toutes nos connaissances ne peut se ramener qu’a une pensée simple et première, elle-même en relation avec d’autres pensées qui lui succèdent.
Mais, chercher à savoir la nature de nos pensées, c’est s’engager dans un chemin sans issu. L’essentiel est que « nous sentons notre pensée ; nous la distinguons parfaitement de tout ce qui n’est point elle ; nous distinguons même toutes nos pensées les unes des autres : c’en est assez. » (1). C’est la’ pour Condillac le point de départ le plus sûr  et le plus clair, que nous connaissons, et qui nous épargne de l’erreur. Quant aux nombres de nos pensées, ils peuvent se ramener à deux : celles qui résultent des différentes sensations, telles que la douleur, le plaisir, la lumière…etc. Et puis celles qui concernent les idées des différentes opérations de l’âme, comme l’aperception et l’imagination. Ces deux derniers genres d’idées sont dus à l’impact intérieur des sensations en nous, au moment où nous y réfléchissons. Ces sensations et ces opérations forment les matériaux de toutes nos connaissances. Matériaux sur lesquels s’exercent notre activité de réflexion et nos raisonnements. Ainsi, Condillac est amené à conclure : « Qu’il n’y a point d’idées qui ne soient acquises : les premières viennent immédiatement des sens ; les autres sont dues à l’expérience, et se multiplient à proportion qu’on est plus capable de réfléchir. »(2).
Quant à l’âme, elle est une substance différente du corps, déclara Condillac. Si elle n’en diffère pas, comme certains philosophes l’ont soutenu à tort, alors elle ne sera pas une substance unique. Elle sera plutôt multiple, puisque le corps est un assemblage de substances. Comme argument, il évoque l’opération de la pensée : peut-elle être divisée en proportion des substances qui composent le corps ? Et dans un cas pareil, peut-on parler d’une perception unique et indivisible ? Impossible dit-il. Soit également trois perceptions différentes, chacune d’elles liées à trois substances du même corps, comment peut-on faire une comparaison entre elles ? Là  encore nous retrouvons la même difficulté. Donc la seule conclusion concevable est qu’il faut ce que Condillac appelle « un point de réunion » (3) distinct du corps, c’est-à-dire une substance unique, une âme.
C’est pourquoi Locke, aux yeux de Condillac, s’est manifestement trompé quand il a déclaré  que nous  sommes incapables de  prouver que Dieu n’a pas doué la matière d’un pouvoir quelconque de penser. Mais pour réfuter une telle idée « Il suffit, dit-il, de remarquer que le sujet de la pensée doit être un. Or un amas de matière n’est pas un ; c’est une multitude. »(4).Une telle position aura, sans aucun doute, des conséquences insoupçonnables sur la théorie de la connaissance Condillacienne, comme on va progressivement le constater par la suite.
En fin, métaphysiquement Condillac a établi une différence entre l’état de l’âme avant sa « chute » et après la chute. Avant, elle possédait toutes les connaissances possibles sans aucun concours de la part des sens. Après, elle s’est trouvée dans l’ignorance totale. Par cette distinction, il semble que Condillac veuille écarter la théorie cartésienne des idées innées. Ce qui atteste une telle conclusion est que lui-même affirme que l’objet propre de la philosophie est l’état de l’âme en quête de la connaissance. Cette quête qui ne peut se réaliser qu’en partant des données sensibles. « Ainsi, dit-il, il ne s’agit pas de considérer l’âme comme indépendante du corps, puisque sa dépendance n’est que trop bien constatée, ni comme unie à un corps dans un système différent de celui où nous sommes. Notre unique objet doit être de consulter l’expérience, et de ne raisonner que d’après des faits que personne ne puisse révoquer en doute. »(5) 


1-Condillac : Essai sur l’origine des connaissances humaines, Editions Galilée, 1973. P- 107.
 2- Ibid, p- 108.
3- Ibid, p- 109.
4- Ibid, p- 109.
5- Ibid, p- 110.




    



       

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