« Le hasard et la
nécessité » de Jacques Monod
Approche critique
-3-
7- Le
problème de l’évolution
Au début
du septième chapitre de son livre ‘’Le hasard et la nécessité’’ Monod
écrit : « Les événements élémentaires initiaux qui ouvrent la voie de
l’évolution à ces système intensément conservateurs que sont les êtres vivants
sont microscopiques, fortuits et sans relation aucune avec les effets qui
peuvent entraîner dans le fonctionnement téléonomique. (1)
En effet,
nous sommes devant un devenir ouvert sur toutes les possibilités, ce qui veut
dire que le ‘’destin’’ des êtres concernés n’est pas quelque chose qui serait
déterminé d’avance. Il semble ainsi que Monod veut écarter toute conception qui
saurait suggérer l’idée d’un ‘’plan’’ et d’une ‘’intention’’ qui auraient été
conçus d’une manière à priori, et que l’évolution voudrait bien réaliser. La thèse donc défendue par Monod est
que la source des mutations, et par suite de l’évolution, n’est gouvernée par
aucune finalité mais succombe à la seule loi du hasard. À partir de celle-ci,
la nécessité aveugle de la sélection naturelle préserve les mutations les plus importantes, et celles
qui ont plus de chance d’être réalisées. Ainsi, c’est la structure conservatrice des acides
nucléotidiques qui reproduit une mutation analogue, de façon à ce que
l’accumulation des séquences des mutations conduit somme toute à l’apparition
d’une nouvelle espèce. Ces mutations se produisent rarement au niveau des
protéines. Mais, puisque leur nombre (c’est-à-dire celui des mutations) est considérable,
elles deviennent habituelles. Ainsi, la téléonomie apparaît comme étant le
filtre de ces mutations. Leurs performances fonctionnelles sont choisies avant
qu’elles soient reproduites. De fait, Monod considère que l’irréversibilité qui
caractérise les processus évolutifs est liée au deuxième principe de la
thermodynamique. C’est ce principe même qui révèle l’entropie diffuse dans la
biosphère. Ainsi, écrit Monod : « L’évolution dans la biosphère
est donc un processus nécessairement irréversible, qui définit une direction
dans le temps, direction qui est la même que celle qu’impose la loi
d’accroissement d’entropie, c’est-à-dire le deuxième principe de la
thermodynamique. »(2)
Ainsi donc, c’est la conservation des
mutations efficaces et importantes qui justifie, aux yeux de Monod, la structure téléonomique qu’il attribue au
vivant. Mais dès qu’elle surgit, le choix d’un aspect de la vie ou d’un autre
pour faire face aux fluctuations du milieu, aura sur l’espèce des impacts à
long terme ; car sa réussite effective sera conservée dans le génome, et
ses modèles seront reproduits. Par conséquent, la sélection naturelle n’est pas
due essentiellement à l’influence de l’environnement, mais plutôt à la structure
téléonomique dans sa lutte contre certaines contraintes.
En outre,
l’évolution spécifique de l’homme avait contribué au développement de son
cerveau et par conséquent de sa capacité à communiquer symboliquement. Et comme
Descartes, Monod considère le langage comme étant une propriété qui caractérise
l’homme, sans pour autant nier que l’animal lui-même demeure capable de
communiquer et de traiter de l’information. Néanmoins, seul l’homme avait été
en mesure de créer un monde de signification, ce qui avait constitué un pas
évolutif géant qui avait contribué, d’après Monod, à la naissance de la culture ; ceci avait
eu lieu en dépit même des analogies constatées entre les primates, qui
détiennent des capacités symboliques embryonnaires, et nos ancêtres Hominides
chez qui l’efficacité du « choix » de la communication symbolique
avait favorisé le développement de leur cerveau, et ainsi préserver une telle
praxis symbolique. Ainsi donc, Monod sera amené, en fin de compte, à adopter la
thèse de Chomsky sur l’innéité du langage, considérant ce dernier comme étant
un phénomène épigénétique. Partant, dit-il : « On sait que,
selon Chomsky et son école, sous l’extrême diversité des langues humaines,
l’analyse linguistique en profondeur révèle une ‘’forme’’ commune à toutes ces
langues. Cette forme doit donc, d’après Chomsky, être considérée comme innée et
caractéristique de l’espèce. Cette conception a scandalisé certains philosophes
ou anthropologistes qui y voient un retour à la métaphysique cartésienne. A
condition d’en accepter le contenu biologique implicite, cette conception ne me
choque nullement. »(3)
En fin,
on ne peut s’empêcher de constater la tendance cartésienne profonde qui
sillonne l’approche de Monod, qui, en introduisant la dimension biologique pour
soutenir la thèse de Chomsky, en conserve pourtant la dimension philosophique.
8- Les
frontières actuelles de la biologie
Le
problème de l’évolution selon Monod est ainsi résolu. Ainsi, elle ne fait pas partie de ce
qu’il appelle les ‘’frontières de la connaissance’’. Néanmoins d’autres
frontières localisées à l’autre extrémité de l’évolution surgissent. Il s’agit
de l’origine des premiers systèmes vivants d’une part, et le fonctionnement du
système téléonomique le plus complexe de l’homme, à savoir le système nerveux
central d’autre part. En effet, Monod considère que l’étape ‘’prébiotique’’ où
s’est formée les nucléotides et les acides aminés, comme premiers ingrédient
des êtres vivants, est relativement mieux connue. Mais, la deuxième étape qui a
connu l’apparition des macromolécules capables de réplication, n’est pas
tellement éclaircie. Toutefois, il est possible d’observer comment les composantes
chimiques expérimentaux nous permettent de voir les caractères principaux du
processus évolutif : réplication, mutation, sélection. Concernant le
passage des macromolécules jusqu’à la cellule, estime Monod, la situation
demeure obscure, car même les êtres unicellulaires ne sont pas moins primitifs
que nous les humains, ils sont plutôt le résultat d’une évolution qui a durée
des milliards d’années. De fait, dit Monod : « Le système vivant
le plus simple que nous connaissions, la cellule bactérienne, petite machinerie
d’une complexité comme d’une efficacité extrême, avait peut-être atteint son
présent état de perfection il y a plus d’un milliard d’années. Le plan
d’ensemble de la chimie de cette cellule est le même que celui de tous les
autres êtres vivants. Elle emploie le même code génétique et la même mécanique
de traduction que les cellules humaines, par exemple. »(4)
L’apparition
du système de duplication, qui constitue ce que les biologistes appellent le
code génétique, était aussi sujet d’un long débat théorique. Ceci est dû à sa présence universelle au sein de la
biosphère. Cependant, le problème que posait l’apparition de la vie sur terre,
comme étant un phénomène exceptionnel, était lié à l’impossibilité de calculer
sa probabilité. En effet, s’agit-il d’un fait nécessaire ou bien d’un hasard
possible ? Dans ce sens dit Monod : « L’énigme demeure, qui
masque aussi la réponse à une question d’un profond intérêt. La vie est apparue
sur la terre : quel était avant l’événement la probabilité qu’il en
fût ainsi ? L’hypothèse n’est pas
exclue, au contraire, par la structure actuelle de la biosphère, que
l’événement décisif ne se soit produit qu’une seule fois. Ce qui
signifierait que sa probabilité a priori était quasi nulle. »(5)
L’autre
frontière qui se dresse devant le biologiste est celle du fonctionnement du
cerveau humain. Le problème posé est de savoir si ce dernier peut saisir ses
propres opérations. Dans des termes logiques exprimés par
Monod : « Le logicien pourrait avertir le biologiste que ses
efforts pour ‘’comprendre’’ le fonctionnement entier du cerveau humain sont
voués à l’échec puisque aucun système logique ne saurait décrire intégralement
sa propre structure. »(6) Bien évidemment un tel système aurait besoin
d’une « métalogique » afin qu’il puisse décrire sa propre logique, ce
qui nous amènera à une investigation à l’infini. Toutefois, aux yeux de Monod,
cette difficulté logique ne peut dissuader le biologiste, car l’analyse du
système nerveux central de l’animal peut dans certaine mesure suffire. Je dis dans
une certaine mesure puisque comme dit Monod : « L’expérience
consciente d’un animal nous est impénétrable et sans doute le sera-t-elle
toujours. »(7) De fait, malgré les
résultats des recherches menées par la neurobiologie, et qui concernent surtout
les relations entre performances cognitives et mécanismes biologiques, le
problème de la ‘’conscience’’ animale demeure difficile à traiter. Néanmoins,
Monod croit que les’’ expériences subjectives’’ sont spécifique aux ‘’vertébrés
supérieurs’’, car ils sont seuls
capables d’effectuer des opérations abstraites, et d’accomplir des
fonctions ‘’projectives’’. C’est ce qu’avaient dévoilées des recherches*
effectuées sur ces vertébrés, et qui ne laisse, selon Monod, aucun doute quant
à la relation qu’il y a entre des mécanismes biologiques innés et des
performances cognitives hautement élaborées. Ceci dit, Monod ne cache pas son
innéisme contre l’empirisme qui tend à réduire ces performances à une simple
acquisition par l’expérience. Ainsi, dit-il : « Ces découvertes
modernes donnent donc raison, en un sens nouveau, à Descartes et Kant, contre
l’empirisme radical qui cependant n’a guère cessé de régner dans la science
depuis deux cents ans, jetant la suspicion sur toute hypothèse supposant
‘’l’innéité’’ des cadres de la connaissance. De nos jours encore certains
éthologistes paraissent attacher à l’idée que les éléments du comportement,
chez l’animal, sont ou bien innés ou bien appris, chacun de ces deux modes
excluant absolument l’autre. Cette conception est entièrement erronée comme
Lorenz l’a vigoureusement démontré. Lorsque le comportement implique des
éléments acquis par l’expérience, ils le sont selon un programme qui, lui, est
inné, c’est-à-dire génétiquement déterminé. La structure du programme appelle
et guide l’apprentissage qui s’inscrira donc dans une certaine ‘’forme’
préétablie, définie dans le patrimoine génétique de l’espèce. C’est sans doute
ainsi qu’il faut interpréter le processus d’apprentissage primaire du langage
chez l’enfant. Il n’y a aucune raison de supposer qu’il n’en soit pas de même
pour les catégories fondamentales de la connaissance chez l’Homme, et peut-être
aussi pour bien d’autres éléments du comportement humain, moins fondamentaux,
mais de grande signification pour l’individu et la société. »(7) Ainsi, à travers les principes de l’évolution
tels qu’ils ont été déterminés auparavant, l’individu demeure soumis à
l’expérience de ces ancêtres. Cette expérience constitue l’ADN dont il reçoit, génétiquement,
la majeure partie de ses compétences. En
effet, constate Monod, si nous refusons ce qui est inné c’est à cause, selon
lui, du langage qui nous différencie des autres animaux par les possibilités
créatrices qu’il nous procure. En outre, la logique comme la simulation
prédicative sont des compétences acquises qui ont évolués grâce à la machinerie
de la sélection. Néanmoins, Monod estime que l’impossibilité de retrouver la
corrélation qu’il y a entre l’expérience subjective et les données objectives
va contribuer à faire perdurer l’illusion du dualisme cartésien entre un cerveau
matériel et une âme immatérielle. De fait, dit-il : « Si nous pouvons
deviner l’existence de ce merveilleux instrument (c’est-à-dire la simulation),
si nous savons traduire, par le langage, le résultat de ses opérations, nous
n’avons aucune idée de son fonctionnement, de sa structure. L’expérimentation
physiologique est, à cet égard, presque impuissante encore. L’introspection,
avec tous ses dangers, nous en dit malgré tout un peu plus. Reste l’analyse du
langage qui cependant ne révèle le processus de simulation qu’au travers de
transformations inconnues et n’explicite sans doute pas toutes ses opérations.
Voilà la
frontière, presque aussi infranchissable encore pour nous qu’elle l’était pour
Descartes. Tant qu’elle n’est pas franchie, le dualisme conserve en somme sa
vérité opérationnelle. La notion de cerveau et celle d’esprit ne se confondent
pas plus pour nous dans le vécu actuel que pour les hommes du XVII siècle.
L’analyse objective nous oblige à voir une illusion dans le dualisme apparent
de l’être. »(8) Certes, selon Monod, c’est une illusion, néanmoins elle
demeure une illusion indépassable soit avec l’appropriation directe de la
subjectivité, soit à travers une aptitude à savoir vivre émotionnellement ou
éthiquement sans lui.
9-Le
règne des idées et l’éthique de la connaissance.
L’apparition
du langage et de la compétence communicationnelle ont dû contribuer à
l’émergence d’un nouvel règne, celui des idées. Depuis, l’homme de même
que son évolution corporelle sont devenus : « Associée à celle
du langage, subissant profondément son influence qui bouleversait les
conditions de la sélection. »(9) Ainsi, l’évolution tellement rapide,
comme en témoigne les fossiles crâniens,
est le résultat de la pression exercée par la sélection. Une évolution qui a eu
pour conséquence le développement de la simulation, et par suite du langage qui
en dévoile mieux les opérations.
Cependant,
cette sélection naturelle qui est derrière le développement du cerveau de nos
ancêtres ‘’hominides’’, a dû elle-même, selon Monod, voir réduire son impact
sur leur évolution. Néanmoins, cette sélection avait pris une autre direction
depuis que l’homme a réussi à dominer son monde environnant. Dès lors, un seul
ennemi demeurait à côté de lui, et qui n’est que l’homme lui-même. Ainsi, les
guerres, aux yeux de Monod, sont devenues l’un des facteurs principaux de la
sélection chez l’espèce humaine. Progressivement, une rupture s’est opérée
entre l’évolution culturelle et l’évolution du ‘’génome’’, car même si quelques
compétences naturelles contribuent toujours à la réussite de certains individu
de la société, la sélection, elle, ne joue pas son rôle puisque de telles compétences ne participent
pas à la reproduction.
De telles
idées révèlent chez Monod une certaine conception ‘’eugéniste’’, surtout quand
il évoque les maladies génétiques et leur aspect héréditaire. Et surtout aussi
lorsqu’il parle d’une détérioration à laquelle sont exposées les sociétés
modernes. Il s’agit, selon son avis, d’une dégradation génétique due à un
‘’disfonctionnement du processus sélectif ‘’qui en perdant son caractère
naturel, au sens darwinien du terme, ne contribue aucunement à la conservation
des êtres les plus aptes.
Monod
parle en outre d’une certaine ‘’maladie de l’âme’’ résultante d’une évolution
idéelle. De fait, le progrès qu’avait connu la connaissance humaine durant les
trois derniers siècles avait obligé, certes avec déchirure, l’homme à revoir la
conception héritée depuis des milliers d’années. Conception qu’il avait sur
lui-même, et sur sa place dans l’univers. Une telle maladie, je dirai malaise,
est due au fait que la nature est objective, et que la connaissance ne peut
émaner que d’une seule et unique source : celle qui confronte
systématiquement la logique avec l’expérience.
Plus
curieuse encore l’idée de Monod selon laquelle la sélection ne concerne pas
seulement la biosphère où nous vivons, mais aussi : « Les idées
ont conservé certaines des propriétés des organismes. Comme eux elles tendent à
perpétuer leur structure et à la multiplier, comme eux elles peuvent fusionner,
recombiner, ségréger leur contenu, comme eux enfin elles évoluent et dans cette
évolution la sélection, sans aucun doute, joue un grand rôle. »(10) La
sélection au niveau des idées vient s’ajouter donc à la sélection naturelle.
Grâce à elle, les idées qui procurent un sens à l’être de l’homme peuvent être
conservées, et ainsi contribuent-elles à le délivrer de l’angoisse qu’il
ressent face à l’absurdité du monde. C’est le rôle joué jadis par les idées
religieuses et philosophiques, mais aussi scientifiques, de fait dit-il : « Nous
sommes les descendants de ces hommes (nos ancêtres). C’est d’eux sans doute que
nous avons hérité l’exigence d’une explication, l’angoisse qui nous contraint à
chercher le sens de l’existence. Angoisse créatrice de tous les mythes, de
toutes les religions, de toutes les philosophies et de la science
elle-même. »(11) Dans ce besoin qu’a l’homme de donner une
explication totale, y compris celle qu’offre les grandes idéologies comme le
marxisme, pour se délivrer de son
angoisse, et pour donner une signification à son être-dans-le-monde, Monod voit
un indice d’une certaine prédominance de la tradition animiste. C’est ce qui
explique pour lui l’apparition tardive du règne des idées, c’est-à-dire la
connaissance objective comme la seule source d’où jaillit la vérité. Néanmoins, cette
connaissance ne peut apaiser une angoisse innée que nous continuons à ressentir
au fond de nous-mêmes, au contraire elle la fortifie. Ceci parce qu’elle n’a
pas pu conquérir tout aussi la raison que le cœur des hommes. Par conséquent,
dit Monod : « En trois siècles la science, fondée par le postulat
d’objectivité, a conquis sa place dans la société : dans la pratique, mais
pas dans les âmes. »(12)
Les
sociétés modernes se sont bien réjouies des bienfaits et du pouvoir que leur
avait procuré la science moderne. Mais elles n’ont pas accepté de remettre en
cause les principes sur lesquels se fond l’éthique, et ceci en opérant une
rupture avec la tradition animiste. Il faut donc, exige Monod, rompre les liens
avec ‘’l’ancienne alliance’’, et reconstruire une autre nouvelle. Cet
attachement à ‘’l’ancienne’’ explique bel et bien, à ses yeux, l’opposition
acharné que rencontre la science, car cette dernière nous apprend que l’homme
n’est pas une finalité ou un être qui saurait avoir une position distinguée du
reste du monde. Elle nous apprend aussi que nulle chose au monde ne pourrait
l’obliger à se soumettre à des législations immanentes. C’est sa responsabilité
à lui de déterminer l’éthique et les lois. En outre, la relation qu’il y a
entre la morale et la connaissance nous interdit de les traiter comme si elles
étaient des domaines séparés l’un de l’autre. Toutefois, il faut, selon Monod,
les maintenir distingués afin de ne pas retomber dans l’animisme. Car dans un
système animiste le mélange de l’éthique et de la connaissance ne pose aucun
problème, puisqu’il n’opère pas de distinction radicale entre ces deux
catégories, qui, pour lui, reflètent la même réalité. Mais, dans un domaine où
règne le postulat de l’objectivité comme condition nécessaire de la vérité, la
distinction radicale entre l’éthique et la science devient fondamentale. Dans
ce contexte, dit Monod : « Le postulat d’objectivité, en
dénonçant ‘’l’ancienne alliance’’, interdit du même coup toute confusion entre
jugements de connaissance et jugements de valeur. »(12) Ces jugements
demeurent néanmoins reliés aux niveaux de l’action et du discours. Ainsi, l’interdiction
d’un quelconque mélange entre le champ scientifique et celui éthique, qui fond
la connaissance objective, n’est pas en elle-même objective car elle est une
simple règle éthique. Par conséquent, la connaissance vraie méconnaît les
valeurs, mais sa fondation nécessite un jugement moral. Ce qui veut dire que le
postulat d’objectivité, comme condition de la véritable connaissance est en
effet un choix : « Ethique et non un jugement de
connaissance… »(13) Accepter ce postulat c’est mettre en valeur une
nouvelle éthique : celle de la connaissance, qui diffère de toute autre
morale, philosophique ou religieuse, car elle est fondée sur un choix libre.
Elle ne reconnaît par de lois immanentes. Et en tant qu’éthique humaine elle
est en mesure d’atteindre les vertus les plus sublimes, à condition, selon Monod,
de se soumettre à l’idéal de la connaissance objective. De fait, faire de la
vérité la valeur la plus élevée qui soit pour la société est le seul remède
pour corriger les maux qui accablent notre monde. De ces considérations, Monod
en conclut : « C’est peut-être une utopie. Mais ce n’est pas un
rêve incohérent. C’est une idée qui s’impose par la seule force de sa cohérence
logique. C’est la conclusion à quoi mène nécessairement la recherche de
l’authenticité. L’ancienne alliance est rompue ; l’homme sait enfin qu’il
est seul dans l’immensité indifférente de l’Univers d’où a émergé par hasard.
Non plus que son destin, son devoir n’est écrit nulle part. A lui de choisir
entre le Royaume et les ténèbres. »(14)
KAMAL
ELGOTTI : KHENIFRA LE 20-12-2017
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