mercredi 26 juillet 2017



« Le hasard et la nécessité » de Jacques Monod
Approche critique
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3- La téléonomie : protéines « intelligentes » ou « démons » de Maxwell

Pour soutenir sa thèse qui postule la priorité de l’invariance sur la téléonomie, Monod s’attache à démontrer que le mécanisme téléonomique des êtres vivants n’est sûrement pas quelque chose qui serait transcendant à eux ; il en est plutôt une partie intégrante. Ce mécanisme se révèle à travers trois fonctions que Monod attribue aux protéines, ce sont : la fonction catalytique, régulatrice et constructive. En effet, dit-il : « La notion de téléonomie implique l’idée d’une activité orientée, cohérente et constructive. Par ces critères les protéines doivent être considérées comme les agents moléculaires essentiels des performances téléonomiques des êtres vivants. »(1)   De fait, l’organisme des êtres vivants est vu pas Monod comme étant une machine caractérisée par son processus chimique, par son unité fonctionnelle cohérente et intégrée, et enfin par sa capacité à se construire elle-même. Ces  performances téléonomiques des protéines reposent sur leurs propriétés « stéréospécifiques » : « c’est-à-dire, dit Monod, leur capacité de ‘’reconnaître’’ d’autres molécules (y compris d’autres protéines) d’après leur forme, qui est déterminée par leur structure moléculaire. »(2) Et afin de bien expliciter cette capacité qui caractérise les protéines, c’est à l’image du démon de Maxwell que Monod recours. En effet, pour contrecarrer le deuxième principe de la thermodynamique, Maxwell imagine un démon qui serait capable de répartir les particules d’un gaz dans une enceinte, formée de deux compartiments, de façon à ce que les particules les plus rapides (de haute énergie) puissent passer dans le deuxième  compartiment, alors que les lentes (de faible énergie) puissent demeurer dans le premier. Ainsi, au lieu qu’elles aient la même température à la fin du processus, les particules du gaz des deux compartiments finissent par avoir des températures différentes, chose qui viole carrément le deuxième principe de la thermodynamique. Cette fonction « cognitive », selon Monod, qu’exerce ce démon met les physiciens devant un « paradoxe » qui semble bien transgresser l’un des principes fondamentaux de la physique. Néanmoins, ce fameux paradoxe a été résolu grâce aux travaux du physicien « Léon Brillouin ». Ce dernier, dit Monod : « Démontra que l’exercice de ses fonctions cognitives par le démon devait nécessairement consommer une certaine quantité d’énergie qui, dans le bilan de l’opération, compensait précisément la diminution d’entropie du système. »(2) Autrement dit, tout échange d’information entre le démon et les particules du gaz, pour les distribuer selon la répartition mentionnée ci-dessus, nécessite une interaction qui exige une consommation d’énergie. Si donc  les organismes vivants défient ce deuxième principe, c’est du côté des protéines, avec leurs fonctions « démoniaques », qu’il faudra chercher la vraie cause. En effet les enzymes, comme sorte de protéines, « fonctionnent, dit Monod, exactement à la manière du démon de Maxwell corrigé par Szilard et Brillouin, drainant le potentiel chimique dans les voies choisies par le programme dont ils sont les exécutants. »(3) Mais, cette fonctionnalité caractéristique des enzymes, et des protéines, et  qui contribue au rétablissement de l’ordre au sein des êtres vivant, exige une consommation de potentiel chimique, c’est-à-dire un échange obligatoire d’information qui contribue ainsi à éliminer le paradoxe que révèle et la téléonomie et l’invariance.  
4- La question de la méthode

Afin de mettre la lumière sur l’aspect téléonomique qui caractérise les vivants, Monod avait consacré le troisième chapitre de son livre à l’analyse de la fonction catalytique des enzymes ; fonction qui les rendaient similaire au démon de Maxwell, sans pour autant violer le seconde principe de la thermodynamique. Au quatrième chapitre il tente d’expliciter la fonction régulatrice et coordinatrice caractéristique des protéines, fonction qui démontre une fois de plus le « comportement téléonomique » qui les détermine. Ainsi, dit-il, « En vertu même de son système spécifique, un enzyme ‘’classique’’… constitue une unité fonctionnelle totalement indépendante. La fonction ‘’cognitive’’ de ces ‘’démons’’ se borne à la reconnaissance de leur substrat spécifique, à l’exclusion de tout autre corps comme de tout événement qui puisse se produire dans la machinerie chimique de la cellule.
(…) la somme totale de ces activités (à savoir des enzymes) ne pourrait conduire que chaos si elles n’étaient pas, en quelque manière, asservies les unes au autres pour former un système cohérent. Or on a par ailleurs les preuves les plus manifestes de l’efficacité extrême de la machinerie chimique des êtres vivants, des plus ‘’simples’’ aux plus ‘’complexes’’.
Chez les animaux on connaît bien entendu depuis longtemps l’existence de système assurant la coordination à grande échelle des performances de l’organisme. Telles sont les fonctions du système nerveux et du système endocrine. Ces systèmes assurent la coordination entre organes ou tissus, c’est-à-dire en définitive, entre cellules. Qu’au sein de chaque cellule un réseau cybernétique presque aussi complexe…assure la cohérence fonctionnelle de la machinerie chimique intracellulaire… »(4) Que peut-on donc déduire de ce texte ? Le point le plus important qu’on peut en déduire est que les constituants essentiels qui confèrent aux êtres vivants leurs propriétés, y compris téléonomique, sont des constituants microscopiques hautement organisés. Leur travail est, selon Monod, similaire à celui qu’effectue une machine chimique qui fonctionne, d’un point de vue organisationnel, comme un système cybernétique qui coordonne les interactions à l’intérieur de la cellule. Et c’est les protéines qui jouent le rôle le plus important dans ce processus. Mais, il reste à savoir que ces processus, ces interactions et ces constituants exigent une méthode d’investigation appropriée autant à la nature de l’objet qu’à l’objectif de la recherche. De fait, quelle méthode adéquate faut-il pour de tels objets ?
Les êtres vivants sont des organismes complexes, c’est pourquoi une discussion sur la nature de la méthode appropriée pour les étudier s’impose avec force. Pour ce le faire, Monod revient à l’ancienne confrontation entre les « réductionniste » et les « organicistes ». En effet, les représentants de tendances qualifiées d’hégéliennes par Monod, estiment que l’approche analytique, quand il s’agit d’être complexe comme les vivants, est inopérante. Les organicistes et les holistes considèrent la méthode analytique comme étant une méthode stérile, car elle tend à réduire les propriétés d’organismes complexes à la somme des parties qui les constituent ; autrement dit, ils nient la possibilité de voir et de concevoir le « tout » à partir de ces «  parties ». Cependant, Monod, estime de sa part que les « holistes » ignorent la nature propre de la méthode scientifique, et le rôle que joue l’analyse dans une telle méthode ; de fait, se demande-il : « Peut-on seulement concevoir qu’un ingénieur martien, voulant interpréter le fonctionnement d’une calculatrice terrienne, puise parvenir à un résultat quelconque s’il se refusait, par principe, à disséquer les composants électroniques de base qui effectuent les opérations de l’algèbre propositionnelle ? »(5)  Si Monod avait donc entamé une discussion sur le champ de la cybernétique microscopique, comme étant l’un des champs les plus importants de la biologie moléculaire, c’est pour affirmer la stérilité des thèses organicistes face à la fécondité de la méthode analytique. Ainsi, les performances téléonomiques ne sont pas une marque qui serait caractéristique des systèmes complexes, puisque la molécule de la protéine n’est pas capable seulement d’activer sélectivement certaines interactions, mais capable aussi d’organiser son activité en fonction d’un nombre importants d’informations chimiques. L’étude donc de ces systèmes microscopiques révèle en fin de compte la complexité, la richesse et la force de ce réseau cybernétique chez les êtres vivants, ce qui surpasse de loin ce qu’une étude générale des performances des organismes peut nous en révéler. En somme, Monod estime qu’il n’y a aucune possibilité d’accéder à des résultats importants, concernant les vivants, si on demeure dans l’horizon de la méthode holiste, telle qu’elle s’est manifestée, entre autres, dans la « théorie générale des système » de L.V.Bertalanfy.
5- Ontogénèse moléculaire et la question du hasard.

Les protéines jouent donc un rôle culminant, par leur fonction catalytique et régulatrice, dans le processus de structuration de l’aspect téléonomique des êtres vivants. Ce rôle a ses conséquences philosophiques et épistémologiques que nous avons essayé de relater tout au long de l’analyse précédente. Dans le cinquième chapitre Monod tente d’expliquer comment le processus morphogénétique spontané et autonome repose sur les propriétés de reconnaissance « stéréospécifique » des protéines, et se déroule au niveau microscopique avant de se manifester au niveau des structures macroscopiques. C’est donc dans ces structures protéiniques élémentaires qu’il cherchait le « secret » de ces propriétés cognitives qui faisaient des protéines des « démons de Maxwell » capables d’activer et de construire les systèmes vivants.  
De fait, le débat entre les « préformationnistes », qui croyaient que l’œuf contenait une miniature de l’animal adulte, et les « épigénétistes », qui eux croyaient à un enrichissement réel de l’information initiale, a perdu tout intérêt, car une structure achevée et qui serait en outre préformé n’est qu’une chimère. Cependant, le plan d’une telle structure, selon Monod,  demeure pour autant présent dans ses constituants eux-mêmes. Ainsi, il peut se manifester d’une manière autonome et spontanée sans l’intervention d’agents extérieures, et sans injonction d’information nouvelle. Cette dernière était présente mais non manifeste dans les constituants. Par conséquent, dit Monod : « La construction épigénétique d’une structure n’est pas une création, c’est une révélation. »(6) Ainsi donc, reste-il fidèle à sa méthodologie analytique qu’il a bien défendue auparavant en réduisant en premier lieu toutes les structures complexes des organismes vivants à des constituants protéiniques élémentaires.
En effet, Monod considère que le processus de structuration de la « protéine globulaire »* nous révèle à la fois l’image microscopique de l’organisme et la source de son développement épigénétique autonome. Ce- dernier est subdivisé en quatre étapes :
a- « Repli des séquences polypeptidiques pour donner les structures globulaires, pourvues des propriétés associatives stéréospécifiques. »
b- « Interactions associatives entre protéines…pour former les organismes cellulaires. »
c- « Interactions entre cellules, pour constituer tissus et organes. »
d-«  A toutes ces étapes, coordination et différenciation des activités chimiques par des interactions de type allostérique**. »(7)
C’est à travers ces étapes et ce processus, souligne Monod, que se développent des structures supérieures, ainsi que de nouvelles fonctions, décelant par là même les possibilités latentes que recouvrent les niveaux antérieurs. De cette façon s’explique, selon lui, le déterminisme constaté dans le phénomène vivant, et qui retrouve son origine « ultime » dans l’information génétique contenue dans l’ensemble des chaînes polypeptidiques sélectionnées par des conditions élémentaires. Par conséquent, « l’ultimo-ration » des structures et des performances caractéristiques des êtres vivants se trouve donc dans les séquences de radicaux des fibres polypeptidiques considérées par Monod  comme étant les embryons des « démons de Maxwell » biologiques, c’est-à-dire des protéines globulaires. Autrement dit, tout le « secret de la vie » se trouve renfermé, selon lui, à ce niveau d’organisation chimique. En outre, toutes les études comparatives entre les diverses protéines extraites d’organismes totalement différents, et surtout la comparaison faite entre leurs séquences à l’aide de moyens moderne en matière d’analyse et de calcul, ont conduit à la découvert d’une loi générale : la loi du hasard, qui est, d’après Monod, la source ultime de toutes les structures des êtres vivants.    
Cependant, si la structure protéinique primaire est due à un choix issu du simple hasard, les séquences, quant à leurs formes actuelles, n’obéissent pas à la même loi, puisque on assiste, sans erreur, à la reproduction de la même organisation dans les molécules de la protéine considérée. De facto, Monod en déduit sa thèse selon laquelle tous les êtres vivants, avec leurs structures, et leurs diverses fonctions, et même la biosphère toute entière, sont le « fruit » du hasard qui s’est transformé à cause du mécanisme de l’invariance à une nécessité. « Hasard, dit-il, capté, conservé, reproduit par la machinerie de l’invariance et ainsi converti en ordre, règle, nécessité. »(8)  

6- Invariance et perturbations

Au début du sixième chapitre de son livre « Le hasard et la nécessité », Monod évoque la confrontation qu’avait connue la pensée occidentale entre deux conceptions philosophiques antagonistes : il s’agit d’une part d’une conception qui réduisait la réalité « mouvante » à des essences perpétuellement stables, ainsi était la position de Parménide et de Platon ;  et d’autre part une conception qui voyait dans le mouvement et le devenir le « réel vrai », telle était la position d’Héraclite, de Hegel et de Marx. Néanmoins, d’après Monod, l’opposition entre ces deux conceptions est plutôt apparente qu’essentielle. Ce sont des « épistémologies métaphysiques » qui reflètent et justifient les conceptions morales et politiques de leurs auteurs ; mais la science, elle, ne reconnaît que le postulat  d’objectivité, ce qui l’amenait loin de ces polémiques à caractère plutôt « idéologique » que scientifique. Autrement dit, la science étudie l’évolution de l’univers et des systèmes qui le composent, y compris la biosphère avec ses différents et divers composants où chaque phénomène fait partie d’un ensemble d’interactions qui contribuent à un changement affectant les éléments du système tout entier. Mais, l’existence même du changement et de l’interaction dans l’univers ne contredit nullement l’invariance et la stabilité qu’on peut y constater, puisque la stratégie de la science consiste en effet à chercher des constants ; ainsi dit Monod : « Quoi qu’il en soit, il y a et il demeurera dans la science un élément platonicien qu’on ne saurait en distraire sans la ruiner. Dans la diversité infini des phénomènes singuliers, la science ne peut chercher que les invariants. »(9) Ainsi, Monod voie dans le « principe d’identité » non pas seulement un simple principe logique, mais aussi un postulat physique du moment que la physique contemporaine insiste sur l’identité absolue de deux  atomes qui se trouvent dans le même état quantique. Mais, comment expliquer la diversité constatée dans notre environnement ?  
En réponse à cette question, Monod affirme que la découverte de la cellule a mis en lumière l’unité profonde qui unissait les divers êtres vivants, unité qui a été, tout au plus, confirmée par les importantes découvertes réalisées en biochimie. Dès lors, dit-il : « C’est aux biologistes de ma génération qu’a été accordée cette révélation de la quasi-identité de la chimie cellulaire dans la biosphère entière. Dès 1950, la certitude en était acquise, et chaque publication nouvelle en apportait la confirmation. Les espoirs des ‘’platoniciens’’ les plus convaincus étaient mieux que comblés. »(10)  Néanmoins, cette forme chimique universelle qui unit tous les vivants rend paradoxal le problème de l’invariance productive, car si leurs composants chimiques sont les mêmes, alors comment peuvent-ils être à l’origine de l’immense diversité et différence qu’on constate entre ces mêmes vivants ?
Concernant ce problème, Monod considère que les composants universels, à savoir d’une part les nucléotides et d’autre part les acides aminés, sont en quelque sorte les ‘’lettres ‘’ à l’aide desquelles s’écrivait la structure, et par suite les fonctions associatives spécifiques des protéines. Grâce à ces « lettres » donc, toute la diversité de la biosphère peut-être écrite aussi bien au niveau de la structure que niveau de la performance. En outre, la reproduction invariante du ‘’texte écrit’’ sous forme de chaînes nucléotidiques au sein de l’ADN, dans chaque génération cellulaire, est ce qui garantie l’invariance de l’espèce, c’est pourquoi, dit-il : « L’invariant biologique fondamental est l’ADN. »(10)
 Par suite, le point qu’il faut noter, vue son importance selon Monod, est que le mécanisme de la traduction est absolument irréversible, jamais ‘’l’information génétique’’ ne passe dans le sens inverse : c’est-à-dire de la protéine à l’ADN. Ainsi, aucun mécanisme ne peut changer la structure de la protéine ni ses performances (car ceci aurait pour conséquence le passage d’un tel changement vers la descendance) sauf au cas où il y aurait « une altération des instructions représentées par un segment de séquence de l’ADN. »(11)
En effet, dit Monod : « Le système tout entier, par conséquent, est totalement, et intensément conservateur, fermé sur soi-même, et absolument incapable de recevoir quelque enseignement que ce soit du monde extérieur. Comme en le voit, ce système, par ses propriétés, par son fonctionnement d’horlogerie microscopique qui établit entre ADN et protéine, comme aussi entre organisme et milieu, des relations à sens unique, défie toute description ‘’dialectique’’. Il est foncièrement cartésien et non hégélien : la cellule est bien une machine. »(12)  
On n’a pas à insister ici sur l’aspect cartésien caractéristique de cette thèse, je laisse le lecteur en juger lui-même. Il faut plutôt se demander si cette stabilité, et ce caractère conservateur défient tout changement et toute mutation qui pourraient pousser l’évolution de l’être vivant en un sens tout à fait différent.
Quel que soit, selon Monod, l’entité microscopique considérée, elle reste  soumise aux perturbations quantiques, dont l’accumulation au sein d’un système macroscopique contribuera inévitablement à en altérer la structure. Ainsi, des recherches récentes en biologie ont montré que des altérations peuvent atteindre la séquence polynucléotides de la double fibre de l’ADN. Mais ces altérations sont, selon lui, accidentelles, c’est-à-dire qu’elles arrivent par ‘’hasard’’. Et puisque elles sont la source unique et possible des changements que pourraient connaître le ‘’texte génétique’’, alors il faut nécessairement reconnaître que le hasard seul est à la source de toute nouveauté, comme de toute création nouvelle au sein de la biosphère. Il est aussi l’origine unique de l’évolution. En effet, le concept de ‘’hasard’’ est devenu dans la biologie moderne non pas une hypothèse parmi d’autres, mais plutôt l’unique hypothèse possible conforme avec les résultats de l’observation et de l’expérience, c’est pourquoi dit-il : « Cette notion est aussi, de toutes celles de toutes les sciences, la plus destructive de tout anthropocentrisme, la plus inacceptable intuitivement pour les êtres intensément téléonomiques que nous sommes. C’est donc la notion ou plutôt le spectre que doivent à tout prix exorciser toutes les idéologies vitalistes et animistes. Aussi est-il très important de préciser dans quel sens exact le mot de hasard peut et doit être employé, s’agissant des mutations comme source de l’évolution. »(13) De fait, et afin d’élucider le sens du hasard tel qu’il l’entend, Monod opéra une distinction entre deux genres d’incertitudes : une incertitude « opérationnelle » liée à notre incapacité à saisir tous les paramètres qui gouvernent un phénomène donné ; c’est comme au jeu de ‘’dés’’ où les résultats demeurent probables et imprécis. Toutefois, cette incertitude pourrait être éliminée si nous arriverons à concevoir une mécanique de lancement très précise, de façon à mettre de côté les paramètres qui perturberaient notre prévision. Mais, l’incertitude pourrait être aussi « essentielle », il s’agit surtout de ce que Monod appelle les « coïncidences absolues » : je me prépare, par exemple, pour aller faire des achats, et voilà soudainement la pluie qui commence à pleuvoir ; il n’existe en effet aucune relation nécessaire entre mes préparatifs, la tombée de la pluie et le marché. Dans ce genre d’événement nous sommes face à un « hasard absolu », où il y a une coïncidence entre des séquences causales absolument indépendantes les unes des autres. C’est cette même indépendance qu’on constate, selon Monod, entre « les événements qui peuvent provoquer ou permettre une erreur dans la réplication du message génétique et ses conséquences fonctionnelles. »(14)  Ainsi donc, l’évolution n’est pas une propriété  des êtres vivants puisque elle a ses racines dans les imperfections qui peuvent toucher leur unique privilège, c’est-à-dire leur mécanisme conservateur. Il faut donc soutenir, dit Monod : « que la même source de perturbation, de « bruit » qui, dans un système non vivant, c’est-à-dire non réplicatif, abolirait peu à peu toute structure, est à l’origine de l’évolution dans la biosphère, et rend compte de sa totale liberté créatrice, grâce à ce conservatoire du hasard, sourd au bruit autant qu’à la musique : la structure réplicative de l’ADN. »  


                               

          
              
   






1-      Monod Jacques : Le hasard et la nécessité, Éditions du seuil, 1970, p. 67
2-      Ibid. p. 82
3-      Ibid. p. 83
4-      Ibid. pp. 87-88
5-      Ibid. p. 105
6-      Ibid. p. 117
7-      Ibid. pp. 125-126
8-      Ibid. p. 128
9-      Ibid. p. 135
10-  Ibid. p. 138
11-  Ibid. p. 145
12-  Ibid. p. 145
13-  Ibid. p. 148
14-  Ibid. p. 149

    
*Protéine globulaire : ce sont des protéines solubles dans l’eau grâce à leurs nombreux groupements hydroxyles pouvant lier leur H avec l’ O de l’eau en formant une liaison hydrogène. Les protéines globulaires comprennent les enzymes tout comme les hormones, les anticorps… ces caractéristiques permettent de les distinguer des autres protéines dites fibreuses.

**L’allostérie est un mode de régulation de l’activité d’une protéine par lequel la fixation d’une molécule effectrice en un site modifie les conditions de fixation d’une autre molécule, en un autre site distant de la même protéine. Ce concept a été formalisé par Jacques Monod, Jean-Pierre Changeux et Jeffries Wyman. Page 1



  

 KAMAL ELGOTTI : KHENIFRA LE 24-07-2017  
                   

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